Film sur France 2 à 21 heures

LA TÊTE HAUTE Bande Annonce
Durée : 02:00

Il faut avoir un cœur de pierre pour ne pas s’émouvoir du sort de Malony, que sa mère abandonne à 6 ans dans le bureau d’une juge pour enfants. Pourquoi ne pas s’abandonner à son tour ? Les tribulations de Malony, délinquant mal aimé et mal aimant, beau garçon perpétuellement sur le point de se casser la gueule dans les abîmes qu’il ouvre sous ses pas, entretiennent un suspense très simple : va-t-il s’en sortir ou pas ?

Emmanuelle Bercot le dirige avec assurance à travers les chausse-trappes que le scénario sème sur son parcours. Ces pièges, que Malony ne sait pas toujours éviter, sont ceux qui guettaient déjà les jeunes héros en quête de rédemption sociale au temps de la révolution industrielle, d’Oliver Twist au Rémi de Sans famille. La maîtrise d’un genre – le mélodrame – et l’intensité que lui insufflent réalisatrice et acteurs donnent à La Tête haute toutes les chances d’impressionner, d’émouvoir.

Mais si l’on prête attention à la musique implicite du scénario et de la mise en scène, on peut voir le film d’Emannuelle Bercot d’une autre façon, comme un plaidoyer pour l’enfance en danger, qui se retourne contre ceux-là mêmes que l’on prétendait défendre.

Une présence électrique

Après son abandon dans le bureau de la magistrate par une mère indigne (Sara Forestier), on retrouve Malony (Rod Paradot) à l’adolescence, au moment où il occupe ses loisirs à conduire des voitures volées. La même juge le suit, toujours raide dans son expression, toujours souple dans ses décisions. Et finit par assigner l’accompagnement de Malony à Yann, un éducateur qui ressemble au jeune garçon.

A chaque errement de l’adolescent, la magistrate oppose une solution – placement en foyer, stage d’insertion professionnelle – que Yann est chargé de mettre en œuvre. Malony avance sur le parcours qui lui est proposé puis s’en écarte, à charge pour la juge et l’éducateur de trouver une nouvelle voie d’accès au droit chemin. Tout se fait contre lui, contre son incompréhension, contre son rejet des autres et de lui-même.

L’abondance de personnages secondaires ne doit pas faire illusion. La Tête haute est un huis clos et c’est sans doute là sa plus grande faiblesse. Tous les enjeux du destin de Malony sont contenus dans le bureau de la juge, comme si rien ne se passait ailleurs, dans la rue, dans la ville, dans les institutions. Sans trêve, l’enfant rejette l’amour et l’attention qu’on lui offre, jusqu’à ce qu’une brèche s’ouvre dans ses défenses.

Malony (Rod Paradot) et sa mère (Sara Forestier). / FRANCE 2 CINÉMA/WILD BUNCH/LES FILMS DU KIOSQUE

La conclusion de La Tête haute pèse lourd dans les sentiments qu’inspire le film. Sans la dévoiler, il est permis de relever qu’elle consiste à faire rentrer dans l’ordre celui qui en était sorti. On comprend bien qu’Emmanuelle Bercot a voulu montrer comment une société peut prendre en charge les plus fragiles des siens. Elle parvient – grâce à la présence électrique de Rod Paradot – à incarner cette partie de la collectivité qui suscite la sollicitude (parfois) et la crainte (souvent). Mais ici, l’« oublié » ne l’est jamais, toujours objet d’observation et de décisions. Finalement, la seule injustice dans La Tête haute est celle que Malony commet à son propre égard, et le seul souci de la société, en la personne de ses deux anges gardiens, est de la redresser.

La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot. Avec Rod Paradot, Catherine Deneuve, Benoît Magimel (France, 2015, 120 min).