Quinzaine des réalisateurs

Climax, le dernier long-métrage de Gaspar Noé (Irréversible, Enter the Void), présenté à la Quinzaine des réalisateurs, contient à la fois le meilleur et le pire de ce dont est capable celui qui assume depuis déjà vingt ans son rôle de vilain garnement et agent provocateur du cinéma français (un carton au début du film annonce sans détour : « Un film français et fier de l’être »). Si l’on met de côté les quelques taquineries de rigueur (le récit qui commence par la fin, le placardage plein cadre de slogans potaches), Climax s’ouvre sur une première moitié époustouflante qui constitue presque un film à part entière – et pas loin d’être le plus beau de Noé.

De jeunes danseurs, de tous sexes et de toutes origines, sont auditionnés par une chorégraphe de renom, puis réunis dans une salle des fêtes isolée pour mettre au point un spectacle. Au terme de trois jours de travail, une fête a lieu où chacun est disposé à lâcher prise. Noé se contente d’abord filmer la danse in extenso, au fil de longs plans-séquences qui circulent et virevoltent d’un personnage à l’autre. La beauté magnétique des corps en mouvement, le mélange merveilleux des sexualités et des physionomies, l’intensité explosive des chorégraphies, composent un spectacle orgiaque de pure énergie, qui se passe très bien de toute dramatisation.

Une scène du film français de Gaspar Noé, « Climax ». / WILD BUNCH DISTRIBUTION

La fête bat son plein, les corps s’exposent et s’exténuent, le désir monte en flèche et tout cela est un véritable feu d’artifice pour le regard. Sans compter que la bande-son, un mix continu qui court de Giorgio Moroder aux Daft Punk, déroule une sorte d’ode amoureuse à la musique électronique, et plus précisément à la « house music », qui participe du pouvoir hypnotique de l’ensemble.

Une paranoïa incontrôlable

Mais tout cela ne pouvait pas durer ; il fallait que le drame éclate et qu’avec lui viennent la menace, l’emphase, l’horreur, lors d’une deuxième partie symétrique à la première. Car la sangria à laquelle tout le monde puisait allégrement, était en fait imbibée d’une drogue dure. Les convives se voient peu à peu gagner par une paranoïa incontrôlable qui transforme la fête en cauchemar et le film en un grand jeu de massacre.

Angoisse, panique, insultes, coups, blessures, mutilations, agressions, électrocutions déferlent alors, sans pour autant que le régime chorégraphique du film s’interrompe – à ceci près que la danse est devenue, dès lors, celle de pantins hystériques et démantibulés. Ce n’est évidemment pas la violence qui dérange (là-dessus le projet de Noé est cohérent), mais son caractère programmatique qui lasse, la logique du pire ne pouvant aller qu’à son terme, en assénant autant de scènes choc et d’images « coups de poing » à un spectateur brutalisé.

Le problème de Noé, c’est qu’il ne sort jamais de cette conception du film comme un « trip » psychotrope et cosmique reliant la vie à la mort, le ying au yang, et devant à tout prix forcer les sensations du spectateur. Or, il n’y a rien de plus téléphoné qu’un trip vu de l’extérieur, qui ne comporte jamais que deux moments, toujours les mêmes : une montée et une descente. Pas même des montagnes russes.

Bande Annonce - Climax
Durée : 00:57

Film français de Gaspar Noé. Avec Sofia Boutella, Adrien Sissoko, Claude Gajan Maull, Lea Vlamos, Sarah Belala, Strauss Serpent, Ashley Biscette… (1 h 35). Sortie en salle le 19 septembre. Sur le Web : www.climax-lefilm.com et www.quinzaine-realisateurs.com/film/climax