De gauche à droite : Gilles Lellouche, Guillaume Canet, Philippe Katerine et Mathieu Amalric sur la terrasse de l’hôtel Marriott à Cannes, le 14 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

Sélection officielle – hors compétition

L’enthousiasme éprouvé à la projection hors compétition en sélection officielle du Grand Bain ne tient pas seulement au soulagement que fournit soudain la projection, à Cannes, d’une comédie. Promesse d’une bouffée d’air frais dans la profusion de sujets lourds et sombres présentés dans les diverses catégories du Festival, le genre peut aussi faire pleurer de désespoir. Lundi 14 mai, il a fait éclater de rire la grande salle Louis-Lumière. La veille, au même endroit, il avait reçu un triomphe.

Le troisième film de Gilles Lellouche, en tant que réalisateur, mais son premier en solo, est une version française (et pas seulement) du long-métrage britannique de Peter Cattaneo, The Full Monty. La bande de chômeurs du nord de l’Angleterre a cédé la place à un groupe de dépressifs actifs – mais pas trop – et le spectacle de strip-tease susceptible de les tirer d’affaire, à un show de natation synchronisée.

Gilles Lellouche a observé la même élégance, de l’écriture du scénario à la mise en scène et à la direction d’acteurs

Deux inspirations qui, l’une portée par un casting de haut vol et l’autre par le champ de possibilités comiques qu’elle abrite, donnent une base solide au film. Encore fallait-il savoir doser les effets, ne point trop en faire, rester gracieux. N’entrons pas en apnée : Gilles Lellouche a observé la même élégance, de l’écriture du scénario (coécrit avec Ahmed Hamidi et Julien Lambroschini), à la mise en scène et à la direction d’acteurs.

Il n’est jamais mauvais de vouloir s’en sortir, et de souhaiter donner un sens à sa vie. Fût-ce au prix du ridicule auquel va être confrontée, à travers le regard des autres, la fine équipe du Grand Bain. Qu’importe. Bertrand (Mathieu Amalric) sous antidépresseurs depuis deux ans, Laurent (Guillaume Canet) en colère contre tout, Marcus (Benoît Poelvoorde) glandeur majestueux dont l’entreprise est en faillite (forcément), Simon (Jean-Hugues Anglade) qui rêve d’être David Bowie, Thierry (Philippe Katerine), grand poète devant la lune… vont oser se mouiller. Ils vont assumer leur bedaine et leurs cannes de serin velues, se faire tyranniser par l’une de leurs entraîneuses, Amanda (Leïla Bekhti), recevoir des quolibets de machos en costard. Ils s’en moquent, ils iront au bout. Parce qu’ils sont des mecs. Et parce que la camaraderie dont ils apprennent les bienfaits, même à travers ses petites misères, les aide à sortir de leur isolement.

Leïla Bekhti et Marina Foïs sur la terrasse de l’hôtel Marriott à Cannes, le 14 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

Une troupe pleine de panache

La mise en place de ses personnages à laquelle procède Gilles Lellouche relève d’un talent qu’il tire, certes, de l’écriture mais probablement aussi de la bienveillance avec laquelle il traite sa bande de quadragénaires (et d’acteurs, copains dans la vie). Pas un qui ne soit vulgaire, pas un qui n’apparaisse comme un gros couillon. Tous, de surcroît, malgré le sentiment de déréliction qui les habite communément, se distinguent par la propre histoire qui les a construits. Un passé dont le réalisateur disperse les éléments tout au long de son film, à espaces réguliers et avec une fluidité rare.

Comédie sociale sans avoir l’air d’y toucher, Le Grand Bain déroule sa galerie de portraits d’hommes au mal-être bien costaud que Gilles Lellouche embarque dans une heureuse aventure, drôle et touchante, réglée comme un ballet, hors de l’eau et sous l’eau (effet comique assuré), et sans craindre l’ellipse. Bien au contraire. Tant dans les mouvements de sa caméra, ses cadrages, son montage, le réalisateur crée du sens et de l’émotion. A l’image des comédiens, subtilement masculins, délicieusement fracassés, les visages jouant de mimiques et les corps de maladresses, ils forment une troupe pleine d’un panache volant au-dessus du désenchantement de leur personnage. Et de cette troupe naît l’euphorie.

LE GRAND BAIN - Teaser - Gilles Lellouche (2018)
Durée : 00:43

Film français de Gilles Lellouche. Avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Virginie Efira, Leïla Bekhti, Marina Foïs (2 h 02). Sortie en salle le 24 octobre. Sur le Web : www.festival-cannes.com/fr/festival/films/le-grand-bain