Faut-il y voir une volonté d’émancipation ? Trois semaines après le vote de la loi asile-immigration, qui a suscité des divisions au sein de la majorité, une partie des députés La République en marche (LRM) et du MoDem critique cette fois le « manque d’ambition » du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, examiné à l’Assemblée nationale, lundi 14 et mardi 15 mai.

En cause, l’article 2 du texte défendu par la ministre de la justice, Nicole Belloubet, et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, portant sur la « répression des infractions sexuelles sur mineurs ». A l’instar d’associations féministes et d’élus de l’opposition, plusieurs députés de la majorité reprochent au gouvernement d’avoir reculé sur ce point, après avoir affiché la volonté que toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans soit passible de poursuites pour viol ou agression sexuelle, estimant que le mineur devrait être considéré automatiquement comme non consentant. Une annonce après deux affaires, dont l’une au tribunal de Pontoise, où des fillettes de 11 ans avaient été déclarées consentantes par la justice.

Mais devant le risque d’inconstitutionnalité d’une telle mesure, le gouvernement a finalement renoncé à instaurer une présomption de non-consentement. Au grand dam de la députée MoDem Nathalie Elimas, qui regrette que le texte soit loin de l’annonce initiale. « Le consentement d’un enfant pourra encore être questionné », a-t-elle déploré lundi, sur LCP. L’élue du Val-d’Oise craint que l’article 2 aboutisse à l’inverse du résultat recherché, avec des requalifications de viol (crime passible de vingt ans de prison) en atteinte sexuelle (délit passible de dix ans d’emprisonnement). « Oui, un viol est un crime ! », a affirmé à son tour le député MoDem de Vendée, Philippe Latombe, jugeant « inconcevable de considérer qu’un jeune mineur puisse avoir une relation “consentie” avec un majeur ».

Rappel à l’ordre

Face aux critiques, Mme Belloubet a assuré dans l’Hémicycle qu’au contraire, « les poursuites de viols seront facilitées en précisant les notions de contrainte morale et de surprise ». « Il n’y a aucun recul dans ce projet de loi, mais un renforcement de l’arsenal répressif », a abondé Laëtitia Avia (LRM). En commission, plusieurs députés de la majorité ont pourtant tenté de muscler le texte, en particulier l’article 2. Fait rare : les élus LRM ont même déposé 240 amendements – pour la plupart de manière individuelle, sans l’accord du groupe. Parmi eux, Annie Chapelier (Gard), Adrien Morenas (Vaucluse), Fabien Gouttefarde (Eure) ou Mireille Clapot (Drôme) ont ainsi réclamé de « renverser la charge de la preuve », pour que « l’agresseur » soit contraint d’« apporter la preuve du consentement des victimes et non plus l’inverse ».

Cette prise de liberté a suscité un rappel à l’ordre du président du groupe LRM, Richard Ferrand. Pour un pilier de la majorité, l’examen du texte asile-immigration, lors duquel des députés ont déposé leurs propres amendements ou se sont opposés au gouvernement, a « créé un précédent ». « Il faut trouver un équilibre entre le droit d’initiative de chaque parlementaire et le fonctionnement collectif de notre groupe », souligne le député LRM, Hugues Renson.