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« A jamais les premiers. » Les supporteurs de l’Olympique de Marseille aiment rappeler son palmarès européen et son statut de premier — et unique à ce jour — club français à avoir remporté la Ligue des champions, en 1993. Mais ce titre honorifique pourrait bien être décliné en politique. A quelques heures de la finale de la Ligue Europa qui oppose mercredi 16 mai, à Lyon, l’OM à l’Atlético Madrid, les Marseillais paraissent être les seuls à réconcilier l’inconciliable : des hommes politiques. En effet, Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont un dénominateur commun, en plus d’êtres des hommes politiques ayant candidaté à l’élection présidentielle de 2017 : ils sont fans de l’Olympique de Marseille.

Emmanuel Macron en a d’ailleurs usé lors de sa campagne présidentielle. Le natif d’Amiens s’est volontiers affiché avec un maillot de son club de cœur. Il l’avait dit sur le plateau de « Quotidien », de Yann Barthès, sur TMC. Puis des enfants lui avaient offert le maillot marseillais lors de l’émission « Au tableau », sur C8. Dans le documentaire de Yann L’Hénoret, Emmanuel Macron, les coulisses d’une victoire, on voit même le futur chef de l’Etat jurer devant la défaite de l’OM face à Monaco. Il a également rendu une petite visite estivale au centre d’entraînement Robert-Louis-Dreyfus, chose rare pour un président de la République. Et s’il n’assistera pas à la finale mercredi soir, il soutiendra à distance les hommes de Rudi Garcia.

« Fidèle à ma paroisse »

Benoît Hamon, est lui aussi, un fan de longue date de l’OM. Breton, membre pratiquant de l’Ovalie, il avoue aimer depuis l’enfance le Stade brestois et l’Olympique de Marseille. « Je suis désolé, je suis un fidèle, moi. C’est comme ça depuis tout petit. J’avais le Stade brestois et l’OM. Je pense qu’il faut être fidèle dans la vie. Et le problème du foot, c’est que ça ne se commande pas. Une fois que le cœur a parlé, vous avez beau être déçu, énervé… », avait notamment lancé le candidat socialiste lors de la campagne présidentielle.

Quand il évoque l’OM, le leadeur de Génération-s prend même des accents religieux. « Suis fidèle à ma paroisse. Ce soir je regarde encore la messe à la télé », avait-il tweeté avant le match retour face à Salzbourg.

M. Hamon est un vrai amateur de football. Il en parle régulièrement avec les journalistes qui suivent la gauche et qui partagent la même passion pour le ballon rond (dont l’auteur de ces lignes). Il s’amuse également à composer « son » équipe de France et la compare à celle de son proche Pascal Cherki.

« Pas assez connaisseur »

On souligne souvent le zèle des nouveaux convertis, la chose est également vraie en matière de football. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon. Depuis qu’il a été élu député de Marseille, M. Mélenchon s’est découvert une passion pour l’équipe de sa ville. Finies ses saillies sur « l’opium du peuple » et les « RMIstes qui applaudissent des milliardaires ». Jean-Luc Mélenchon s’affiche désormais au Stade Vélodrome et dit suivre les « parties » de l’OM, même à Paris.

Il s’est expliqué sur ce revirement dans un post de blog intitulé « L’OM et la bonne mère ». « Ma relation au foot n’a aucun rapport avec l’art du dribble, de la passe arrière, du tir au but croisé, ni d’aucune des merveilles appréciées dans ce sport. On sait aussi que je n’aime pas la place du fric dans ce milieu. Je n’ai pas changé d’avis », y reconnaît-il. Il est vrai qu’il est plus à l’aise avec les écrits de Chantal Mouffe et d’Ernesto Laclau, deux penseurs qui ont théorisé le populisme de gauche, qu’avec la règle du hors-jeu.

« L’ordre secret du chaos »

A sa lecture, l’on voit que, malgré ses efforts, le leadeur de La France insoumise a encore quelques lacunes footballistiques, et il lui arrive d’avoir des jugements à l’emporte-pièce. « La presse parisienne m’a bien brocardé. Il est vrai que la plupart des journalistes parisiens sont supporters du PSG et acceptent des places gratuites du club qatari », écrit-il entre autres. Un peu plus loin : « Mais je dois reconnaître combien je me suis aussi fait happer par le match. Le goût de la stratégie me faisait avoir un avis sur chaque déploiement. […] Je ne vais pourtant pas commenter le match : je ne suis pas assez connaisseur pour ça. »

On perçoit l’intérêt qu’ont les hommes politiques de premier plan de mettre en scène leur passion pour le football, sport universel, qui touche toutes les classes sociales. Dans un texte prémonitoire, écrit en 1997 pour Le Monde diplomatique, Manuel Vazquez Montalban expliquait pourquoi le football exerce une telle fascination sur les politiques. « Un anthropologue dirait que, désormais, les dirigeants politiques gèrent ce que d’autres (les marchés) décident ; le président d’un club, lui, connaît l’ordre secret du chaos et la discrète volonté des masses », avançait l’auteur catalan.

Une question reste en suspens : en cas de victoire olympienne face à l’Athlético Madrid, MM. Hamon, Mélenchon et Macron entonneront-ils ensemble « We Are the Champions » ?