Des avions Rafale sur le porte-avions américain « USS George H.W. Bush », le 12 mai. / ERIC BARADAT / AFP

Le gouvernement français relance son offre de « partenariat élargi » à la Belgique pour le renouvellement de ses avions de combat, soit un marché de 34 appareils, estimé à ce stade à quelque 3,6 milliards d’euros. Une délégation du cabinet de Florence Parly, la ministre française des armées, a précisé, détaillé et amplifié, mardi 15 mai, son offre à la défense belge pour le remplacement de ses actuels F-16 américains.

Deux agences gouvernementales, celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui représentent respectivement Lockheed Martin (pour le F-35) et le consortium Eurofighter (pour le Typhoon), ont déposé une offre en février. Le gouvernement français avait, lui, choisi une autre voie, celle d’un projet à multiples facettes s’écartant du cahier des charges et de la grille d’évaluation fixés initialement par le gouvernement belge. Il s’articule autour du Groupement d’intérêt économique (GIE) Rafale – Dassault Aviation avec Thales et Safran avec une offre d’acquisition du Rafale, désormais assortie de divers compléments.

Paris a insisté, mardi, sur « la dimension politique » de son plan. Divers projets d’association sont proposés à Bruxelles. Pour de futures opérations, l’entraînement des pilotes, la mise en commun de diverses capacités, la mutualisation de simulateurs ou pièces de rechange, etc. La défense belge se voit également offrir l’option d’un partage de la capacité aéronavale de la France, et donc la possibilité d’opérer aussi à partir de porte-avions à l’avenir. La Belgique verrait aussi son accès à l’espace aérien français élargi, pour des exercices et des missions d’entraînement.

« Aucun chantage à la clé »

Le projet souligne la nécessité d’une prise en compte du développement de l’Europe de la défense, dans le cadre notamment du système de combat aérien du futur, un projet franco-allemand, placé sous le leadership de Paris mais qui pourrait être élargi à la Belgique.

Dans le domaine clé des retombées industrielles, le consortium Eurofighter chiffre son offre à quelque 19 milliards d’euros et 6 000 postes de travail. Lockheed Martin est plus évasif mais insiste sur sa longue expérience en Belgique. La France fait de même et projette différents investissements dans les trois régions du royaume, en rappelant que la coopération industrielle dans le domaine aéronautique entre les deux pays dégage actuellement un chiffre d’affaires annuel de 800 millions d’euros.

« Un montant qui pourrait être augmenté », a-t-il été précisé à la partie belge. Et réduit si le gouvernement de Charles Michel ne choisissait pas le Rafale ? « Il n’y a aucun chantage à la clé, mais dans l’industrie un chiffre d’affaires n’est jamais garanti », souligne un expert.

« Heureuse » d’avoir pu présenter officiellement son projet, la délégation française attend désormais la décision belge. Censée tomber en juillet, celle-ci sera plus que vraisemblablement retardée, compte tenu notamment de divisions au sein de la coalition du libéral francophone Charles Michel et d’une polémique impliquant le ministre de la défense, le nationaliste flamand Steven Vandeput.

Certains de ses rivaux affirment qu’il aurait volontairement négligé, pour favoriser le choix rapide du F-35, un rapport indiquant que la durée de vie des appareils actuels de l’armée pouvait être prolongée. Le ministre, appuyé par un audit officiel, nie avoir été informé de l’existence d’une telle étude.

Manifestement hostile à la procédure « parallèle » choisie par Paris et réputé favorable au choix de l’appareil américain, M. Vandeput ne semble plus en mesure, aujourd’hui, de faire pencher seul la balance. D’autant qu’au sein de la coalition et du parti du premier ministre, des voix se font entendre pour que la décision finale ne tombe qu’après un examen en profondeur des différents projets. Et d’une prise en compte de la dimension européenne du choix qui sera opéré, quitte à déplaire à l’administration américaine.