Après l’enlèvement de deux jeunes touristes britanniques et le décès d’une de ses gardes, le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo (RDC), s’est résolu, mardi 15 mai, à fermer provisoirement ses portes. « La suspension des activités touristiques jusqu’au 4 juin est prise comme mesure de précaution alors qu’une enquête sur les circonstances de l’incident sécuritaire est en cours », justifient les autorités de la plus ancienne réserve naturelle d’Afrique dans un communiqué.

Bethan Davies et Robert Jesty avaient été enlevés avec leur chauffeur, vendredi, alors qu’ils revenaient d’une excursion pour voir des gorilles des montagnes. La jeune Rachel Masika Baraka, une des 26 femmes sur les 700 gardes qui assurent la sécurité dans le parc, a été tuée en tentant de les protéger. Les otages ont été libérés dimanche dans des circonstances qui n’ont pas été précisées.

Escortes armées

L’est de la RDC est l’un des seuls endroits au monde, avec le Rwanda et l’Ouganda voisins, où il est encore possible d’observer des gorilles des montagnes, des primates classés en danger critique d’extinction. Dans l’une des zones les plus instables du pays, le courage des rangers du parc – dont 176 sont morts depuis vingt ans – et de son directeur belge, Emmanuel de Mérode – lui-même victime d’une attaque en 2014 –, avait permis de créer une enclave où les touristes venaient de plus en plus nombreux. En particulier depuis cette année, après que le Rwanda a décidé de facturer les permis de visite à 1 500 dollars, alors qu’ils ne s’élèvent qu’à 400 dollars en RDC.

Quitte à se plier à des règles de sécurité très strictes. Aucun déplacement ne se fait sans escorte armée. Chaque jour, des convois protégés par des rangers sont organisés depuis Goma pour acheminer quelques dizaines de touristes vers les principaux sites de visite des gorilles et vers le volcan Nyiragongo, qui, avec son cratère de lave en fusion, est l’autre grande attraction du parc. Le retour doit avoir lieu avant 15 heures, toujours sous escorte.

Expatriés travaillant pour des institutions internationales, membres d’ONG ou simples voyageurs, rarement africains, les touristes qui viennent aux Virunga le font souvent parce que s’écrit ici l’une des plus passionnantes aventures de conservation du continent. L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et l’Alliance Virunga, qui réunit des donateurs internationaux dont les principaux sont l’Union européenne et la fondation Howard Buffett, ont entrepris depuis dix ans d’inverser le cours funeste de ce parc en bâtissant un ambitieux projet de développement au profit des populations riveraines.

Pillage et racket

Trois centrales hydroélectriques ont été construites autour du parc et 20 000 emplois ont été créés depuis trois ans, selon un bilan publié début mai. L’arrivée de l’électricité dans les villages doit réduire la demande en « makala », le charbon de bois utilisé pour faire la cuisine qui est produit à partir des arbres illégalement abattus dans le parc.

Ce commerce, qui rapporterait plus de 34 millions de dollars par an (27,5 millions d’euros), est aux mains des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui occupent la partie centrale du parc depuis plus de vingt ans. Plusieurs autres groupes armés issus de rébellions locales ou régionales se financent sur le pillage des ressources naturelles, le racket des pêcheurs vivant sur les rives du lac Edouard ou les kidnappings, dont la fréquence est en forte augmentation depuis quelques mois.

Jamais cependant cette industrie de l’enlèvement n’avait touché des touristes et si près de Goma, dans une zone considérée comme ultra-sécurisée où sont postées plusieurs unités de l’armée congolaise. Le coup est donc rude. Il est trop tôt pour dire si l’activité du parc en sera durablement affectée. En attendant, il est certain que tous ceux qui convoitent ce territoire et ses richesses ne peuvent que se réjouir de cette nouvelle épreuve. A commencer par ceux qui rêvent de le voir déclassé de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco pour exploiter son pétrole.