Un robot sous-marin collecte des déchets flottants dans le port de Cassis le 18 janvier. Télécommandé, le prototype « jellyfishbot » sera prochainement équipé d’un laser pour détecter « les obstacles et collecter les déchets de manière autonome » selon Nicolas Carlesi , l’un des créateurs et doctorant en robotique et en intelligence artificielle. / BORIS HORVAT / AFP

Emmanuel Macron a affiché son ambition : faire de la France l’un des leaders en intelligence artificielle (IA). En mars, le chef de l’Etat a annoncé vouloir doubler le nombre d’étudiants dans ce domaine. Car, actuellement, les talents français sont surtout captés par les géants de la Silicon Valley (Californie).

« Les embauches explosent. Les plus brillants sont recrutés durant leur master 2 par Google ou Facebook avant même de décrocher leur diplôme. Je n’ai jamais vu ça », lâche Emmanuel Trélat, directeur de la Fondation sciences mathématiques de Paris.

Les débouchés offerts par l’IA sont variés. « Certains travaillent chez des constructeurs aéronautiques, d’autres dans la robotique, la finance, les assurances… Ce sont aussi bien des spécialistes en technique que des manageurs de haut niveau maîtrisant l’impact de ces technologies », constate Sandra Bringay, secrétaire de l’Association française pour l’IA et professeure en informatique à l’université Paul-Valéry, à Montpellier.

Pour répondre à cette demande, de nouveaux cursus voient le jour. A la rentrée, Polytechnique proposera, en partenariat avec Google, un graduate degree associant IA et traitement des informations visuelles (visual computing). « Les sociétés considèrent que les étudiants sont bien formés en mathématiques mais elles déplorent leur manque de compétences en informatique pour coder efficacement les algorithmes », explique Erwan Scornet, maître de conférences en machine learning et codirecteur du cursus.

De son côté, l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), à Paris, lancera une formation continue. « Beaucoup d’entreprises ont des lacunes en IA. Elles recrutent des jeunes diplômés, mais il leur faut aussi former des seniors en poste », souligne Ludovic Denoyer, professeur en machine learning, deep learning et responsable du programme.

Malgré l’avance prise notamment par les Américains, l’Hexagone se démarque par l’excellence de ses filières en mathématiques. « Les étudiants bénéficient d’une formation généraliste et approfondie. Ceux qui partent en mobilité s’en sortent bien. En revanche, j’ai l’impression que les étudiants étrangers s’adaptent plus difficilement à notre enseignement », remarque Sylvie Benzoni, directrice de l’Institut Henri-Poincaré, à Paris, dont le prédécesseur Cédric Villani, mathématicien réputé et député du parti La République en marche (LRM), a remis, en mars, un rapport sur l’IA.

« Sur les 600 étudiants en mathématiques qui ont effectué leur cursus universitaire en France, entre 50 et 100 quittent le territoire immédiatement après avoir obtenu leur diplôme de master 2 à Paris », affirme Emmanuel Trélat. Au niveau du doctorat, un mouvement vers l’étranger s’est amorcé. « L’attractivité de la recherche publique baisse. Les salaires n’étant pas assez élevés, certains préfèrent se tourner vers le privé ou s’expatrier en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Suisse », s’inquiète Elisabeth Gassiat, présidente du département de mathématiques d’Orsay, au sein de l’université Paris-Sud. « En IA, nous assistons à une fuite des cerveaux. Beaucoup de mes collègues ont rejoint des entreprises américaines », ajoute Ludovic Denoyer.

Par ailleurs, le savoir-faire français demeure reconnu dans les métiers de l’ingénierie : aéronautique, génie océanique, automobile… A Centrale Nantes, 25 % des étudiants trouvent leur premier emploi hors de France. Et l’école accueille plus de 30 % d’étudiants internationaux. « Des étudiants chinois préfèrent, aux masters spécialisés, le diplôme d’ingénieur qui est une spécificité française et qui apparaît comme une filière d’excellence », note Emilie Poirson, directrice de la formation ingénieur.

Du côté de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), on estime également que la dimension généraliste de la formation fait la différence tout en reconnaissant que cela ne suffit pas. « C’est un peu compliqué d’être remarqué par les recruteurs à l’international car nous n’avons pas la taille critique pour apparaître dans des classements comme celui de Shanghaï, avoue Caroline Bérard, directrice des formations ingénieur. Mais une fois qu’ils ont goûté à nos diplômés, ils reviennent vers nous. »

Un supplément et un salon du « Monde », pour partir à l’étranger

Le Monde publiera, dans son édition datée du 24 mai, un supplément de huit pages consacré aux écoles dans les secteurs de l’excellence française – la fameuse « french touch » –, qui permettent à leurs diplômés de partir étudier ou travailler à l’étranger. Ses articles sont progressivement mis en ligne sur cette page du Monde Campus.

Le Forum Expat 2018, organisé par le groupe Le Monde mardi 5 juin (jusqu’à 21 heures) et mercredi 6 juin à la Cité de la mode et du design, à Paris, réunira de nombreux acteurs de l’expatriation et d’anciens expatriés, pour permettre aux candidats au départ de s’informer pour travailler, entreprendre, vivre au quotidien et gérer son patrimoine à l’étranger. Sont également prévues des conférences thématiques animées par des journalistes de Courrier international et des experts en mobilité. Entrée gratuite, préinscription recommandée.