Le dirigeant du Mouvement 5 étoiles (M5S), Luigi Di Maio, a beau s’obstiner à parler de « contrat à l’allemande » pour définir l’accord qu’il essaie de construire entre son mouvement antisystème et la Ligue de Matteo Salvini (droite souverainiste), il est peu probable pour autant qu’on soit sensible, de Berlin à Francfort, à cette politesse.

En publiant, dans la soirée du mardi 15 mai, le fac-similé d’un « contrat pour un gouvernement de changement » de 39 pages, daté du 14 mai à 9 h 30, liant les deux formations, alors même que les négociations semblent piétiner, achoppant notamment sur le choix du premier ministre, le Huffpost italien a immédiatement semé le trouble. Quelques minutes après la mise en ligne, alors que les sites des principaux journaux relayaient déjà ce scoop, un communiqué conjoint des deux intéressés, assurant que le document est bien authentique mais qu’il s’agit « d’une vieille version » est envoyé afin de tenter de circonscrire l’incendie.

Dans cette déclaration, la Ligue et le Mouvement Cinq M5S assurent, notamment, qu’ils ont finalement renoncé à mettre en place un dispositif permettant de sortir de l’euro, contrairement à ce qui figure noir sur blanc dans le texte diffusé par le Huffpost.

Désinvolture

Plus tard dans la soirée, Luigi Di Maio assurait que « le texte évolue si vite qu’[il] a renoncé à suivre les changements. » Un démenti qui n’a pas rassuré grand monde, tant il semble témoigner de la désinvolture et de l’impréparation des deux grands vainqueurs des élections du 4 mars.

Dans le détail, outre l’éventuelle sortie de l’euro, qui donc « n’est pas en discussion », figurent d’autres mesures sur lesquelles les deux partis seraient tombés d’accord. En premier lieu l’abandon des sanctions contre la Russie, qui est tout sauf une surprise, étant donné que ces mesures étaient dénoncées avec la même virulence par les deux formations depuis 2014, et la demande d’une « renégociation des traités européens », qui figurait en bonne place dans les programmes des deux formations.

Plus inattendue, en revanche, est l’idée, apparue en page 38 du document, de demander au président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, l’annulation pure et simple de 250 milliards d’euros de dette italienne détenues par l’institution. Une solution qui a le mérite de la simplicité, mais risque d’être jugée fantaisiste, voire franchement lunaire, par les partenaires européens de l’Italie.

« L’Italie ne mérite pas ça »

Tout aussi inquiétante est l’idée, formalisée page 4, de créer un « comité de conciliation » parallèle au gouvernement, chargé de veiller au bon fonctionnement de l’alliance. Un comité sans existence légale, qui serait pourtant saisi dès que l’actualité l’exige, au risque de court-circuiter le gouvernement lui-même, bouleversant ainsi le fonctionnement des institutions.

Réagissant sur Twitter aux révélations du Huffpost, le secrétaire par intérim du parti démocrate, Maurizio Martina, a jugé ce texte « inquiétant », accusant la Ligue et les Cinq M5S de « jouer avec la crédibilité du pays », et concluant « L’Italie ne mérite pas ça ». Plus lapidaire encore, l’encore ministre du développement économique Carlo Calenda a affirmé que ce texte constitue « la plus énorme accumulation d’absurdités économiques jamais écrite de mémoire d’homme ».