L’influence de la mouvance identitaire parmi les supporteurs de football se fait particulièrement sentir à Lyon. L’inquiétude monte d’un cran, à l’occasion du match entre l’Olympique de Marseille et l’Atlético de Madrid, ce mercredi 16 mai. Si les supporteurs lyonnais ne sont pas directement concernés par cette finale de Ligue Europa, les autorités craignent des provocations ou des actions violentes des plus ultras, sur fond de rivalité entre les clubs lyonnais et phocéen, un temps entretenue par leurs dirigeants respectifs. Le contexte terroriste ajoute un paramètre supplémentaire qui explique que le dispositif de sécurité soit sans précédent en province pour une rencontre de football.

Au total, près de 1 300 policiers et gendarmes sont mobilisés tout au long de la journée et de la soirée. « C’est deux fois plus que pour un match de l’Euro 2016, le dispositif est absolument exceptionnel », dit Stéphane Bouillon, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Aux dix unités de forces mobiles, disposant d’un hélicoptère et de deux canons à eau, et aux 450 policiers de la sécurité publique de Lyon, il faut ajouter des policiers municipaux, ainsi que plus de 1 200 stadiers, dont 200 fournis par l’Olympique de Marseille.

« Tout est organisé pour que cette fête soit une réussite, qu’elle soit un moment de bonheur pour les amoureux du football », insiste le préfet. Une fête sans aucun rassemblement autorisé dans la ville de Lyon. Tout le dispositif consiste à encadrer des circuits d’accès directs au stade, situé à Décines, le long de la rocade Est. Des accès différents et étanches entre les groupes de supporteurs des deux villes européennes. L’objectif est qu’aucun des 11 500 supporteurs marseillais ne croise les 11 500 Madrilènes. Qu’ils viennent en voiture, en bus ou en avion, les premiers sont dirigés vers le départ la ligne D du métro, au parc de Parilly, avec navettes pour accéder au Groupama Stadium. Les seconds doivent passer par la ligne A du métro.

Les forces de l’ordre entourent tous les itinéraires prévus, depuis les entrées d’autoroute jusqu’aux portes du stade. Toute la ville est quadrillée. Par des unités fixes autour des points emblématiques, comme la place Bellecour ou le Vieux Lyon, et par des équipages de la brigade anticriminalité, chargés d’arriver au plus vite sur d’éventuels rassemblements à risque.

Coup d’éclat

Lors d’un match entre l’Olympique lyonnais et Amsterdam, en juillet 2017, la police lyonnaise avait réussi à déjouer un affrontement entre supporteurs ultras des deux clubs, par plusieurs interpellations préventives. C’est bien un « fight » de dernier moment, ou un coup d’éclat de supporteurs lyonnais liés à la mouvance identitaire, que redoutent les forces de l’ordre. « Le foot, c’est leur terrain de jeu depuis plusieurs années, les identitaires ont repris de la vigueur dans ce secteur, ils noyautent des petits groupes », résume un policier lyonnais impliqué dans la sécurité des rencontres de football. De cent à deux cents supporteurs sont considérés comme potentiellement très violents. Des groupes, comme Cosa Nostra, dissous en 2010, ont tendance à se reformer sous d’autres appellations, ou sans dénomination officielle, notamment dans le virage sud.

Un épisode marquant s’est produit le 15 mars, en marge du match entre l’Olympique lyonnais et le CSKA Moscou. Près de deux cents supporteurs ont chargé un équipage de police qui se tenait à l’écart du dispositif principal, près de l’esplanade du stade. Les policiers de la brigade anticriminalité assuraient une mission antiterroriste. Ils ont vu déferler une horde encagoulée jetant projectiles et barrières de chantier. Un policier a été roué de coups. Sept participants ont été identifiés, interpellés et jugés, dont plusieurs détenaient des armes ou des objets à connotation nazie. « C’est quelque chose qui ne s’était jamais produit lors d’un match de foot, des supporteurs d’une équipe locale qui s’en prennent délibérément à la police ; depuis, nous en avons tiré les leçons, les choses ont changé », explique Lucien Pourailly, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP). Désormais, les unités consacrées à la lutte antiterroriste ne s’isolent plus du dispositif général. Et les supporteurs identitaires sont dans le collimateur.