Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, lors des questions au gouvernement, le 15 mai. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

De l’art de créer la déception. La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a été contrainte de batailler ferme, mardi 15 mai, pour défendre le projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles, et en particulier son article 2, qui a pour objectif de renforcer la répression des infractions sexuelles sur les mineurs.

Un article attaqué de toute part – du groupe Les Républicains (LR) à La France insoumise (LFI) en passant par le MoDem, membre de la majorité – à l’exception de La République en marche (LRM), où aucune voix dissonante ne s’est exprimée. Mais ses rangs étaient plutôt dégarnis mardi, au point que plusieurs amendements de l’opposition ont été rejetés à seulement quelques voix près. L’article a finalement été voté après une heure du matin, avec les seules voix du groupe LRM, par 81 voix contre 68 et après plus de cinq heures de débats ponctués d’invectives, de claquements de pupitres, et de suspensions de séance.

Au lendemain des affaires de Pontoise et de Melun, dans lesquelles des fillettes de 11 ans ont été considérées comme ayant consenti à des rapports sexuels avec des hommes adultes, Marlène Schiappa avait voulu répondre très vite au choc causé dans l’opinion, en promettant l’inscription dans la loi d’un seuil au-dessous duquel un enfant ne pourrait jamais être considéré comme consentant. Très vite aussi, en novembre 2017, l’âge de 15 ans avait été retenu par Emmanuel Macron. Mais l’idée d’une « présomption de non-consentement » a été abandonnée. « Que s’est-il passé ?, a lancé la députée (LFI, Seine-Saint-Denis) Clémentine Autain. Cet article ne correspond en rien à ce qui était annoncé. »

« Nous voulons être efficaces »

Face aux critiques, la secrétaire d’Etat a lu et relu le texte amendé par la commission des lois : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de moins de 15 ans, la contrainte morale et la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes. » « Qu’y a-t-il de scandaleux là-dedans ?, a-t-elle interrogé. Je vous demande de voter cet article parce qu’il améliore la protection des mineurs. Nous voulons être efficaces non pas dans la théorie, mais dans le réel. » Les députés lui ont à plusieurs reprises reproché de s’en tenir à ces explications, la députée (Nouvelle Gauche, Tarn-et-Garonne) Valérie Rabault réclamant même la venue de la ministre de la justice Nicole Belloubet dans l’hémicycle pour obtenir de plus amples détails.

De très nombreux amendements parmi les soixante-dix déposés sur l’article avaient pour objectif d’établir une présomption simple de non-consentement, pour beaucoup sous l’âge de 13 ans. « Il faut inverser la charge de la preuve », a plaidé Bérengère Poletti (LR, Ardennes). L’impératif supérieur de protection des enfants a été invoqué à de nombreuses reprises. « Ne sommes-nous pas dans le cas des enfants de moins de 13 ans dans des cas exceptionnels ? », a riposté Clémentine Autain.

En réponse, le gouvernement et les députés du groupe LRM se sont placés sur le terrain du respect du droit, la présomption d’innocence interdisant selon eux l’introduction d’une telle présomption de culpabilité en matière criminelle. « Le texte permettra aux juges de tenir compte de la particulière vulnérabilité des mineurs, tout en étant constitutionnellement viable », a plaidé la rapporteure Alexandra Louis (LRM, Bouches-du-Rhône). 

Comme plusieurs autres députés, Delphine Batho (non inscrits, Deux-Sèvres) a en outre dénoncé la « grave régression » que représenterait le texte, en facilitant le renvoi en correctionnelle de viols sur mineurs. Au fondement de cette inquiétude, l’augmentation des peines encourues pour atteinte sexuelle, un délit qui sanctionne toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, même sans violence, menace, contrainte ou surprise, à sept ans (contre cinq aujourd’hui), et à dix ans en cas de pénétration. La députée Naïma Moutchou (LRM, Val-d’Oise) a dénoncé à ce sujet une opération de « désinformation ». « L’atteinte sexuelle existe d’ores et déjà dans notre droit, a également répondu Laetitia Avia (LRM, Paris). Nous renforçons cet interdit. »

Le projet de loi

Si l’article 2 du projet de loi contre les violences sexuelleset sexistes, qui renforce la répression contre les actes sexuels entre adultes et mineurs de moins de 15 ans focalise les discussions, le texte comporte d’autres dispositions.

L’article premier augmente le délai de prescription de vingt à trente ans après la majorité pour les crimes sexuels sur des mineurs. Certaines associations demandaient l’imprescriptibilité.

L’article 3 vise à mieux réprimer le harcèlement par plusieurs personnes, en particulier les « raids numériques ».

L’article 4 instaure la contravention d’outrage sexiste, assortie d’une amende de 90 euros, afin de lutter contre le harcèlement de rue.