NDDL : plus de 1 500 gendarmes mobilisés pour une deuxième opération d’évacuation
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A 16 heures, jeudi 17 mai, le premier jour d’une nouvelle phase d’expulsions de la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) s’achevait. Quatre nouveaux sites ont été détruits, après la trentaine d’expulsions et de destructions conduites du 9 au 12 avril. Sur la route départementale 81 qui traverse le bocage, les camions à plateaux repartent chargés des débris calcinés de véhicules incendiés dans la matinée sur de rares barricades.

Les quelque 1 500 à 1 700 gendarmes mobiles, soit dix-neuf escadrons, engagés dans l’opération qui a débuté dès 6 heures, devraient quitter les lieux en début de soirée pour revenir vendredi matin pour expulser encore trois ou quatre squats. Alors que, début avril, les autorités s’étaient concentrées sur l’est et le sud de la ZAD, qui s’étend sur 1 650 hectares de prairies, de champs, de bois, parcourus par des dizaines de petites routes, de chemins et de sentiers, l’offensive a été portée plutôt sur à l’ouest de la RD 81 qui relie Vigneux-de-Bretagne à Notre-Dame-des-Landes, deux des communes touchées par l’ancien projet de nouvel aéroport nantais.

Pui Plu et la Datchacha voisine, La Vosgerie, le Moulin de Rohanne-Chifoumi-le Buisson… et aussi la Chateigne. En moins de trente secondes et cinq mouvements de pelleteuse, ce symbole historique de la lutte contre l’aéroport s’est retrouvé à terre, planches de bois, tôles et fenêtres écrasées. Ce site avait été construit lors d’une grande manifestation, dite de « réoccupation de la ZAD », réunissant 40 000 personnes fin novembre 2012, après une tentative par le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault d’évacuer la zone afin de démarrer le chantier de l’aéroport. La Chateigne était donc une référence forte, même si, confient de nombreux zadistes, le lieu ne servait plus guère.

Ni blessé ni interpellation

En avril, les affrontements avaient été violents, avec plusieurs dizaines de blessés, tant chez les occupants de la zone que dans les rangs des forces de l’ordre. Mais jeudi 17 mai en fin de journée, aucun blessé sérieux n’avait été enregistré ; de même, les autorités n’ont signalé aucune interpellation. Un bilan devrait être tiré, vendredi en fin de journée, et probablement en fin d’opération, par la préfète des Pays de la Loire, Nicole Klein, et le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. « Dès que tout est déconstruit, on repart, expliquait ce dernier à la mi-journée. Et s’il y a reconstruction, on reviendra le lendemain. »

Dans la matinée, les engins du Formisc (formation militaire de la sécurité civile) ont déblayé le chemin de Suez, un axe stratégique qui relie l’est à l’ouest de la ZAD, de ses barricades qui l’obstruaient, et l’ont remblayé afin de faciliter l’accès à la zone aux entreprises de déménagement et de reconstruction qui sont intervenus dans l’après-midi.

Des heurts sporadiques ont eu lieu une grande partie de la journée, opposant les gendarmes et quelque deux à trois cents occupants, renforcés par des soutiens hébergés depuis plusieurs jours sur le site : grenades lacrymogènes en grand nombre contre jets de pierres, de mottes de terre et quelques engins incendiaires. Mais le nombre de personnes présentes et prêtes à s’affronter aux forces de l’ordre semblait moindre qu’il y a un mois.

Le changement d’ambiance sur le terrain est aussi sans doute dû à la précision et au nombre limité des sites visés, qui n’abritaient pas de projets agricoles ou socioculturels, recensés dans les dossiers déposés quelques jours plus tôt à la préfecture. « On nous avait dit que tous ces projets [au nombre de 41, dont 29 agricoles], déjà retenus ou à retravailler selon le comité de pilotage, ne seraient pas concernés par ces expulsions, dont acte, expliquait Benoît, l’un des membres en charge de la communication de la ZAD. Mais c’est juste impossible de voir nos voisins, ceux avec qui on lutte depuis longtemps, se faire détruire leurs cabanes. »

Lors des expulsions de jeudi, aucun blessé sérieux n’a été enregistré et les autorités n’ont signalé aucune interpellation. / GUILLAUME SOUVANT / AFP

« Intimidation quotidienne »

Lors d’un point presse tenu en milieu de journée à La Rolandière, lieu historique de la lutte, qui abrite la bibliothèque du Taslu, les représentants des occupants ont exprimé « l’indignation » pour l’une, « la colère » pour une autre devant la nouvelle offensive. « C’est une opération hyperviolente et il n’y a aucune garantie qu’ils partent, ils vont rester pour nous empêcher de vivre ici, c’est une pression, une intimidation quotidienne », réagissait l’une des porte-parole au prénom générique de Camille. Le représentant des naturalistes en lutte, Jean-Marie, insistait, lui, sur « des destructions en pleine période de nidification des oiseaux et de reproduction pour la plupart des espèces sauvages du site, s’accompagnant de nuages de gaz lacrymogène ; ils appellent cela de la déconstruction mais c’est du ravage ».

Un appel à manifester a été lancé pour samedi, dans le centre-ville de Nantes, ainsi qu’à rejoindre la ZAD dimanche, comme cela avait été le cas à l’issue des premières opérations de destruction, début avril.

Les dix-neuf escadrons de gendarmerie mobile devraient revenir vendredi matin, pour expulser encore trois ou quatre squats. / GUILLAUME SOUVANT / AFP