Les femmes sont régulièrement la cible de campagnes de harcèlement en ligne. / QUENTIN HUGON / LE MONDE

Les députés ont adopté en première lecture, dans la nuit de mercredi 16 à jeudi 17 mai, le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Bien loin des débats passionnés occasionné par l’article 2 de la loi, son article 3 modifie la loi sur le harcèlement moral et sexuel afin de les punir lorsqu’il sont menés en groupe.

En l’état actuel des textes, seuls les actes répétés par un individu peuvent constituer du harcèlement moral ou sexuel. La loi entend considérer comme tels les agissements «imposés à une même victime par plusieurs personnes [...] alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ». Le harcèlement moral ou sexuel pourra être puni même « en l’absence de concertation » entre les auteurs à partir du moment où ces derniers sont conscients de participer à un phénomène de groupe.

Les « raids numériques » en ligne de mire

Dans la ligne de mire des législateurs, le phénomène que le gouvernement a appelé les « raids numériques », où une victime est submergée de messages haineux et sexistes par des dizaines, voire des centaines d’internautes différents. Actuellement, le droit sur le harcèlement, qui suppose qu’une seule personne ait multiplié les messages, ne peut pas s’appliquer.

« On veut que même si vous n’avez participé qu’avec quelques messages, quelques e-mails, quelques tweets, vous puissiez être condamné. On veut que dès les premiers messages, chaque personne puisse être condamnée, qu’elle ne puisse pas se cacher derrière le “oui, mais moi je n’ai envoyé que quelques messages”. Si vous êtes 1 000 à avoir envoyé quelques messages, c’est du cyberharcèlement », expliquait en mars la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, dans une interview donnée à Buzzfeed.

Les députés ont aussi accru par amendement la peine de prison et l’amende punissant le harcèlement sexuel lorsque celui-ci est mené sur Internet. Harceler sexuellement quelqu’un sur Internet sera puni aussi sévèrement que le harcèlement sexuel sur mineur ou sur une personne handicapée, soit trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Les « GAFA » épargnés

La députée Clémentine Autain (Seine-Saint-Denis, La France Insoumise) a toutefois fait état de ses réserves lors des débats. « Cet article nous laisse (...) le sentiment, comme l’ensemble du texte, de passer à côté de la mission qui aurait pu être celle de l’Etat, notamment en contraignant les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – à assumer leurs responsabilités en matière de signalement des propos sexistes, comme c’est le cas pour l’incitation à la haine. » Si certains amendements accroissaient la responsabilité des grandes plateformes, ils ont finalement été retirés.

« J’ai l’impression que la responsabilité de la dénonciation va là encore peser sur les femmes victimes de ces agissements », a déploré la députée. « Je trouve dommage que nous passions à côté d’un projet plus ambitieux qui se serait donné les moyens de bousculer véritablement la donne. Se contenter de donner à ces femmes la possibilité de poursuivre, je trouve cela assez léger. »