A Florence, en septembre 2017. / ALBERTO PIZZOLI / AFP

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, être pro-européen allait de soi. D’Altiero Spinelli à Alcide De Gasperi, les pères fondateurs de l’Italie moderne avaient aussi été ceux de l’Europe politique, et remettre en cause le choix européen condamnait tout responsable ­politique à la marginalité. Fragilisé depuis plusieurs années, ce consensus a volé en éclats à la suite des élections du 4 mars. Les deux grands vainqueurs du scrutin, le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue, en passe de former un gouvernement, ont construit une grande part de leur succès sur l’euroscepticisme, tandis que le Parti démocrate (PD), seule grande formation politique à avoir fait campagne en mettant en avant l’engagement européen, connaissait une déroute historique, avec 18 % des voix.

« Ce résultat est le fruit de la haine et d’un discours qui cherche sur tous les sujets des boucs émissaires », déplore avec amertume Sandro Gozi, secrétaire d’Etat aux affaires européennes d’un gouvernement Gentiloni qui vit ses dernières heures. Pour ce proche de l’ex-président du Conseil Matteo Renzi, « Salvini, qui fait du Le Pen, et Di Maio, qui agit par pur opportunisme, sont les deux faces d’un même problème, les enfants de la crise et de l’antipolitique ».

« Retards en matière d’Europe sociale »

Constatant la montée en puissance, ces dernières années, des discours antisystème, Sandro Gozi n’exonère pas l’Europe de ses responsabilités dans ce spectaculaire recul de l’idée européenne, au sein même d’un des pays ayant le plus contribué à la création de l’Union : « A l’étranger, précise-t-il, nos partenaires ont sous-estimé l’effet dévastateur de leur attitude ­durant la crise migratoire, ainsi que les conséquences d’une approche trop restrictive des questions économiques et les retards en matière d’Europe sociale. »

« Le M5S n’est pas fiable », estime le secrétaire d’Etat pour justifier son opposition à un dialogue avec son chef de file Luigi Di Maio, un temps envisagé. Sandro Gozi préfère parier sur une recomposition politique, à moyen terme, dans laquelle une partie de la droite italienne romprait son alliance avec la Ligue, au discours trop extrémiste, pour se rapprocher du PD. « Le calendrier nous avantage, assure-t-il. Les élections européennes sont l’an prochain, il nous faut construire une véritable alternative, en liaison avec La ­République en marche et les Espagnols de Ciudadanos », poursuit-il. Sans trop ­espérer, à court terme, un retournement de l’opinion.