Lors de l’épreuve de philosophie du bac 2017, à Paris. / MARTIN BUREAU / AFP

Plus que trente jours avant l’épreuve de philosophie du bac 2018, prévue lundi 18 juin. « Plus que trente jours », curieux mélange d’inquiétude et de joie. Les uns y réagissent en procrastinant, les autres sont pris d’une frénésie de rattrapage du temps perdu. Les deux attitudes sont à éviter, et si vous êtes du genre inquiet, voici quelques conseils pour bien réviser. Car je vous rappelle que la philo n’est pas une matière impossible à réussir et que, oui, elle se révise.

1. « Qu’est-ce qu’on attend de moi ? »

Pour ceux qui en douteraient encore, le baccalauréat est un examen. Il a donc ses codes, ses normes, ses critères, avec une certaine part d’arbitraire. Donc il faut se préparer non pas à « faire de la philosophie » en règle générale, mais à réussir l’épreuve de philo au bac. Deux conséquences à cela : vous pouvez avoir une bonne note alors que pendant l’année vous n’avez pas brillé, et inversement ; et ce n’est pas parce que vous avez une mauvaise note que vous ne valez rien.

Le meilleur moyen de réussir consiste donc à se mettre à la place du correcteur et se demander ce qu’il est en droit d’espérer. Je rappelle que ce n’est pas sur le fond qu’il vous jugera, mais sur la forme. D’abord, ça va de soi, une copie propre, l’écriture la plus soignée et le moins de fautes d’orthographe et de grammaire possible. Mais surtout la présence des trois éléments essentiels : une réflexion personnelle, des connaissances précises, une argumentation cohérente.

2. Faites des fiches

Original, pas vrai ? Mais les fiches sont définitivement une bonne manière de faire un point sur ce que vous savez déjà (attention : en aucun cas elles ne permettent d’apprendre de nouvelles choses) ! Commencez par relire votre cours, sans oublier les textes que vous avez étudiés en classe. Puis, faites-en une synthèse sur fiche, en ne conservant que le strict nécessaire afin de faciliter le travail de la mémoire : quelques mots de vocabulaire (en particulier les fameux « repères » : légal/légitime, concret/abstrait, singulier/général, etc), les problèmes qu’un concept peut soulever, les thèses de trois ou quatre auteurs, quelques idées et exemples qui vous semblent importants.

Evitez à tout prix les fiches toutes faites, achetées dans le commerce : si vous n’avez pas étudié pendant l’année les auteurs, idées ou problèmes qu’elles mentionnent, vous risquez de vous embrouiller. Il vaut mieux faire des fiches personnelles, en fonction de ce qui vous est utile.

De même, évitez ces fiches trop longues qui s’accumulent sur trois feuilles « bristol » recto-verso ! Privilégiez la qualité à la quantité : il vaudra mieux une copie avec peu d’éléments, mais très bien maîtrisés, qu’un vaste blabla que ne fera qu’agacer le correcteur !

3. Comment s’entraîner ?

En un mois, alors que vous avez d’autres matières à réviser, vous n’aurez pas le temps de rédiger des dissertations ou des explications en entier. Ce sera même contre-productif, parce que vous allez vous dégoûter et vous fatiguer.

La philosophie, c’est d’abord une démarche intellectuelle qui consiste à chercher des problèmes, à remettre en doute des certitudes, à mettre des mots précis sur ce qui est vague ou flou. Vous pouvez vous entraîner à adopter cette démarche en toutes circonstances : avec des exemples de sujet dans les annales, mais aussi à partir d’un film, d’un livre ou encore de l’actualité. « Pourquoi untel a fait ça ? Qu’espérait-il obtenir ? A-t-il eu raison ? Qu’aurait-il dû faire à la place ? » : le meilleur entraînement est d’abord de se poser des questions.

Ensuite, il y a la méthodologie, qu’il faut maîtriser. Là encore, privilégiez la qualité à la quantité : au lieu de rédiger des « bacs blancs », faites l’analyse et la problématisation d’un sujet de dissertation, ou cherchez le thème, la thèse et les enjeux d’un texte. Si c’est la rédaction qui vous inquiète, ne rédigez que l’introduction, ou que l’une des parties.

4. Travaillez en équipe

Si la relecture et le fichage doivent être des activités de « rumination » solitaire et personnelle, l’entraînement peut et a même tout intérêt à se faire à plusieurs. N’oubliez pas que la philosophie est née dans les dialogues entre Socrate et ses concitoyens !

Travaillez avec le copain/la copine en qui vous avez confiance : l’idée est de se motiver mutuellement, ce qui suppose à la fois de la franchise et de la bienveillance. Lisez vos rédactions respectives et donnez-vous des conseils. Lancez-vous des défis : à partir d’une question, trouvez trois arguments pour et trois arguments contre ; essayez de convaincre ou de contredire l’autre ; lisez-vous les textes à haute voix. Tout cela peut même se faire dans un cadre agréable, pas besoin de rester cloîtré dans une chambre alors que le soleil brille ! Aristote et Nietzsche ne philosophaient-ils pas en marchant ?

N’oubliez pas de prendre votre famille en otage en lançant d’interminables débats pendant le dîner, en leur demandant de vous lire Kant pour vous endormir, ou en leur soumettant le fruit de vos méditations métaphysiques. Ils endureront patiemment ce calvaire, et peut-être même y prendront-ils goût !

Et puis, votre professeur de philosophie est encore là pour un mois : posez-lui des questions, demandez-lui s’il veut bien vous corriger, il sera ravi de vous être utile.

5. Soyez méthodique, calme et confiant

Mes derniers conseils seront d’ordre hygiénique. Un mois, c’est à la fois long et court. Pour le mettre à profit, il n’y faut pas épuiser ses dernières forces. Gardez jusqu’au dernier jour un rythme régulier : faites-vous un planning de révision, dormez et mangez suffisamment, et surtout prévoyez des moments d’inactivité (nécessaires pour assimiler vos connaissances et ne pas exploser).

Ne vous répétez pas indéfiniment que vous ne savez rien. Soyez objectif : vous savez des choses, et même si elles ne vous ont pas l’air directement utiles, la philosophie fait feu de tout bois et se nourrit des autres savoirs, des arts, de la politique, etc. En général, évitez les excès dans un sens ou dans l’autre : n’ayez pas la témérité de croire que vous pouvez vous présenter les mains dans les poches en sifflotant, mais n’ayez pas non plus l’impression que le baccalauréat engage toute votre vie et tout votre être.

Bon courage à toutes et à tous !

Thomas Schauder

A propos de l’auteur

Thomas Schauder est professeur de philosophie. Il a enseigné en classe de terminale en Alsace et en Haute-Normandie. Il travaille actuellement à l’Institut universitaire européen Rachi, à Troyes (Aube). Il est aussi chroniqueur pour le blog Pythagore et Aristoxène sont sur un bateau. Il a regroupé, sur une page de son site, l’intégralité de ses chroniques Phil d’actu, publiées chaque mercredi sur Le Monde.fr/campus.

En voici quelques-unes :