L’agenda politique du gouvernement continue de perturber le destin de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Le projet de loi, porté par le ministre de l’économie Bruno Le Maire, a été transmis mercredi 16 mai pour avis au Conseil d’Etat. Mais, pour l’heure, sans le volet privatisations qu’il était censé comporter, a-t-on appris jeudi, confirmant une information des Echos.

Pacte, qui se veut un texte de « transformation de l’économie », vise à la fois à aider les PME-ETI (établissement de taille intermédiaire) tricolores à grandir (suppression des obligations sociales et fiscales attachées au seuil de 20 salariés, facilitation de la transmission d’entreprises…) et à associer les salariés aux résultats (élargissement de l’intéressement et de la participation). Mais la loi devait également donner le coup d’envoi des privatisations du quinquennat : ADP (ex-Aéroports de Paris), dont l’Etat détient 50,6 % du capital, la Française des jeux (FDJ), dont il souhaite ouvrir le capital, et Engie, afin de descendre sous les 33,3 % de droits de vote. Des cessions d’actifs censées abonder un fonds pour l’innovation de rupture.

« Depuis le début, nous avions décidé de dissocier [l’envoi du texte Pacte et celui des privatisations], assure-t-on aujourd’hui dans l’entourage de Bruno Le Maire. Il reste un certain nombre de consultations à mener, mieux vaut aller au bout. Cette partie viendra en temps utile. Cela ne préjuge pas d’une décision, dans un sens ou dans l’autre », indique-t-on.

Obstacles politiques

A l’Elysée, on continuait en début de semaine d’assumer les privatisations, estimant sain de faire tourner le portefeuille de participations de l’Etat, plutôt que d’immobiliser du capital quand les actifs considérés ne sont pas stratégiques. « La détention majoritaire (…) n’est pas indispensable au respect de tous les intérêts de l’Etat et de la collectivité » ; expliquait un proche d’Emmanuel Macron, tout en soulignant que « la question n’est pas que celle d’une privatisation [d’ADP et de la FDJ] mais aussi d’un renforcement des outils de régulation. Les deux peuvent être portés dans le même texte, mais la régulation doit précéder la privatisation. »

De fait, les privatisations nécessitent des modifications législatives. Dans le cas d’ADP, il s’agirait de créer une concession de longue durée afin de conserver le contrôle des terrains fonciers. Pour la FDJ, une nouvelle autorité de régulation du secteur des jeux est envisagée.

Toutefois, au-delà de ces clarifications techniques, Pacte pâtit aussi d’obstacles politiques. « Mettre les privatisations dans le texte dès maintenant, c’était risquer que cela fuite. Or le ministre n’a pour le moment pas le temps de porter ce sujet, l’agenda est trop chargé », glisse un bon connaisseur du dossier.

Texte hétéroclite

Surtout, alors que le climat social demeure tendu, l’exécutif ne veut pas prendre le risque d’être inaudible, voire d’allumer un nouvel incendie. « Si la grève à la SNCF dégénère, on ne mettra pas la privatisation d’ADP et de la FDJ dans le texte, on ne va pas mettre de l’huile sur le feu », murmurait-on déjà, début avril, dans les couloirs de Bercy.

En attendant, Bruno Le Maire continue de distiller les mesures de son texte hétéroclite. En réunion publique à Pessan (Gers), jeudi 17 mai au soir pour les un an du gouvernement, le locataire de Bercy a annoncé que désormais, les entreprises créancières de l’Etat – réputé mauvais payeur – recevront des acomptes de 20 %, et non plus de 5 % du montant de leur commande.

« Il est toujours possible de compléter le texte. Ce qui compte, ce n’est pas l’envoi au Conseil d’Etat, c’est la présentation en Conseil des ministres. Rien n’est encore arrêté », relativisait-on jeudi soir à Bercy. Problème : le projet de loi, initialement prévu pour passer en Conseil des ministres mi-avril, est depuis repoussé de semaine en semaine. L’entourage de Bruno Le Maire évoque désormais « la seconde quinzaine de juin ». Il se dit confiant sur un début d’examen à l’Assemblée en commission en juillet, avant un débat à la rentrée dans l’Hémicycle. « La ligne rouge, c’est que le texte soit adopté fin 2018, pour pouvoir avoir les dispositions sur l’intéressement, la participation, et la suppression des seuils dès 2019 », avertit-on.