Le député Pablo Iglesias, en 2016, au Palais des Cortès, à Madrid, le Congrès espagnol. / PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, 39 ans, et sa compagne, la porte-parole de cette formation de gauche radicale, Irene Montero, 30 ans, font-ils à présent partie de la « caste » politique qu’ils dénonçaient il y a deux ans et demi quand ils sont entrés au Parlement espagnol ? La question agite l’Espagne depuis que le couple, qui attend des jumeaux pour le mois d’octobre, a décidé d’acheter une luxueuse demeure à 40 km de Madrid.

Leur nouvelle maison de 260 m2, située sur un terrain de 2 300 m2 avec piscine et chalet d’invités, à Galapagar, au bord du parc national de la Sierra de Guadarrama, leur a coûté la bagatelle de 615 000 euros. Pour se l’offrir, ils n’ont pas hésité à s’endetter sur trente ans et paieront des mensualités d’un peu plus de 1 600 euros pour rembourser le crédit de 540 000 euros qu’ils ont contracté.

Comme le veut la charte de Podemos, chacun d’entre eux ne perçoit, en tant que député, que trois fois le salaire minimal, soit 2 200 euros, sur quatorze mois. Un montant qui avoisinera les 3 000 euros mensuels quand naîtront leurs jumeaux. Pablo Iglesias perçoit en outre des rétributions comme présentateur d’un programme politique sur la chaîne iranienne HispanTV.

« Nous savons que beaucoup de familles espagnoles, mêmes avec deux salaires, ne peuvent pas se permettre un crédit comme celui-ci et c’est pour cela que nous défendons des salaires dignes pour tous », a-t-il tenté de se justifier sur son compte Facebook alors que fusaient les premières critiques, allant jusqu’à souligner que ses parents, un inspecteur du travail et une avocate, tous deux à la retraite, « ont eu un bon salaire, surtout son père, et leur laisseront un héritage qui [les] aidera ».

Une polémique qui fait les délices d’opposants

Irene Montero, anciennement membre des Jeunesses communistes issue d’une famille modeste, diplômée en psychologie, qui n’avait eu qu’une brève expérience d’employée dans une entreprise d’électroménager entre 2010 et 2011, avant d’entrer en politique, a, quant à elle, sollicité un prêt auprès de ses parents. Tout en insistant sur le fait qu’ils ont acheté « une maison pour vivre et pas pour spéculer ».

Cette polémique a fait les délices des socialistes, des conservateurs et des principaux médias qui n’ont pas tardé à rappeler les « leçons de morale » que professait « l’inquisiteur » et « l’hypocrite » Pablo Iglesias, lorsqu’il était un modeste professeur universitaire intérimaire touchant 900 euros par mois.

« Confierais-tu la politique économique du pays à quelqu’un qui dépense 600 000 euros dans un penthouse de luxe ? », interpellait M. Iglesias, en 2012, sur Twitter, en référence à l’achat de l’ex-ministre de l’économie, Luis de Guindos, artisan de l’austérité et des réformes. « Ça me semble dangereux, ces politiques qui s’isolent, vivent dans des banlieues riches, dans des maisons, qui ne savent pas ce que c’est que de prendre les transports publics », assurait-il aussi à la présentatrice d’un célèbre programme de télévision en 2015, revendiquant son choix de vivre, alors, dans son quartier populaire de Vallecas, dans la banlieue de Madrid.

Le porte-parole du gouvernement Íñigo Méndez de Vigo s’est félicité « de voir comment ses politiques économiques permettent à de nouveaux couples de former un foyer ».

Mais la critique la plus cinglante est venue des rangs mêmes de Podemos. « Je ne pense pas et ne veux pas cesser de vivre ni d’élever mes enfants dans un appartement de travailleur dans un quartier de Cadix », a déclaré dans un communiqué le maire de cette ville andalouse, José Maria Gonzalez, alias « Kichi », membre du courant anticapitaliste. « L’idée est de ne pas ressembler à la caste. (…) Le code éthique de Podemos n’est pas une formalité, mais l’engagement de vivre comme les gens normaux pour pouvoir les représenter dans les institutions. »