Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, à Washington, le 21 mai. / J. SCOTT APPLEWHITE/AP

Près de deux semaines après l’annonce par Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a présenté, lundi 21 mai, dans les murs du think-tank conservateur Heritage Foundation, ce qui fait désormais figure de feuille de route pour l’administration américaine. L’heure est à la « pression maximum » qui doit officiellement inciter le régime iranien à changer de comportement, tout en alimentant le soupçon d’une tentative de Washington de favoriser un changement de régime à Téhéran.

Pendant les mois qui ont précédé le retrait américain, le président des Etats-Unis n’avait cessé de pester contre les lacunes d’un compromis centré sur les activités nucléaires de l’Iran et qui ne visait ni son influence grandissante au Moyen-Orient ni ses activités balistiques. Parvenir à un « meilleur accord » était devenu la priorité, et c’est sur cette base que les alliés européens des Etats-Unis (l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni) avaient négocié avec Washington, sans succès.

Il n’en est plus question désormais pour l’administration américaine. Le secrétaire d’Etat ne s’est pas contenté d’annoncer l’imposition des sanctions « les plus dures de l’histoire » et que les Européens sont expressément invités à observer, le moyen pour Washington d’achever de torpiller l’accord conclu en juillet 2015. Il a surtout dressé une liste de douze exigences des Etats-Unis auxquelles le régime iranien devra répondre pour échapper à sa pression. Washington a remplacé la négociation par le diktat. Qui n’épargne pas ses alliés. « Je sais que nos alliés en Europe essaieront peut-être de maintenir l’ancien accord nucléaire avec Téhéran, c’est leur décision à prendre. Ils savent où nous sommes », a averti le secrétaire d’Etat.

Une partie de ces exigences porte sur le nucléaire, allant bien au-delà du cadre mis en place par l’accord moribond et qui a été pourtant jugé comme le plus strict de l’histoire de la prolifération. Mais les plus frappantes concernent le poids régional de l’Iran, sommé de revenir à l’intérieur de ses frontières.

Doutes sur un éventuel isolement américain

Washington demande à Téhéran de renoncer à l’influence qu’il s’est construite au fil des dernières décennies en exploitant des calculs stratégiques hasardeux (invasion du Liban par Israël en 1982, puis de l’Irak par les Etats-Unis en 2003). Mike Pompeo a ainsi exigé qu’il coupe les liens avec le Hezbollah libanais, qu’il permette le désarmement et la dissolution les milices chiites qui lui sont affiliées en Irak, ou qu’il retire ses forces militaires de Syrie.

Le choix d’une politique de « pression maximum » doit être mis en regard avec celle imposée à la Corée du Nord. Washington considère qu’elle a contraint le régime de Kim Jong-un à changer de ton et à nouer un début de dialogue avec son homologue de Corée du Sud, le président Moon Jae-in. L’administration avait cependant bénéficié en la circonstance d’un très large soutien international dans un cadre multilatéral traduit par des sanctions votées aux Nations unies.

Mike Pompeo a répondu par avance aux doutes sur un éventuel isolement américain face à l’Iran en énumérant les noms de pays qui seraient, selon lui, disposés à soutenir Washington dans sa démarche, mais il n’a mentionné ni la Chine, ni la Russie, ni les pays européens.

En refusant par ailleurs de reconnaître l’existence au sein du régime iranien de modérés, comme le président Hassan Rohani ou le ministre des affaires étrangères, Mohammed Jawad Zarif, le secrétaire d’Etat américain a enfin ravivé le soupçon d’un projet américain de déstabiliser le régime jusqu’à une éventuelle chute. Mike Pompeo ne s’est donné aucune limite dans le temps. « En fin de compte, il reviendra au peuple iranien de faire le choix de son leadership », a-t-il assuré.

Cité par l’agence de presse Ilna, le président Rohani a réagi, lundi soir, aux propos de Mike Pompeo, en assurant que « le monde aujourd’hui n’accept[ait] pas que l’Amérique décide pour le monde car les pays sont indépendants ». « Cette époque est terminée. Nous suivrons notre voie avec le soutien de notre nation », a-t-il ajouté.