LES CHOIX DE LA MATINALE

Une femme seule qui se débat entre son boulot, sa mère et ses trois filles, des femmes qui prennent la place des hommes – et le pouvoir, une traductrice de l’Ofpra qui profite de sa situation pour arrondir ses fins de mois, cette semaine, on se plonge dans trois séries bien ancrées dans l’air du temps.

« Better Things » : formidable portrait d’une femme d’aujourd’hui

BETTER THINGS Trailer SEASON 1 (2016) New Louis C.K. FX Comedy
Durée : 01:29

Après avoir été l’alter ego du showman Louis C. K., devant et derrière la caméra, Pamela Adlon lançait sa propre série, en 2016 : Better Things, une comédie de nouveau cocréée avec Louis C. K. mais dont elle était, cette fois, l’initiatrice et l’actrice principale.

Better Things met en scène Sam, une actrice de Los Angeles que l’on appelle surtout pour des doublages ou de la publicité à la radio, et qui éleve seule ses trois filles dont deux ados, Max et Frankie – sa propre mère fofolle (Celia Imrie) vivant en face de chez elle.

Aucune intrigue ici, mais, telle une auto-fiction, la vie frénétique d’une femme « mûre », comme elle le dit (Pamela Adlon, excellente interprète), qui n’a guère d’autre loisir que de courir entre de désespérantes auditions et les innombrables exigences de ses trois filles.

Sur cette base pourtant vue et revue, Pamela Adlon a su créer une série éminemment fraîche, tendre, profonde et comique à la fois. Tout en râlant contre le sexisme et le jeunisme à Hollywood, tout en rêvant que ses enfants, ne serait-ce qu’un jour, lui accordent le temps de s’ennuyer, Pamela Adlon, par la voix de Sam, brosse un formidable portrait, nuancé, vibrant et éclatant de vérité, d’une femme du temps présent qui n’entend ni baisser les bras ni se laisser faire.

Better Things, saison 1, série créée par Pamela Adlon et Louis C. K. Avec Pamela Adlon, Celia Imrie (EU, 2016, 10 x 23 min). Le mercredi, à partir du 23 mai, sur Canal+ Séries à 20 h 55 (4 puis 3 épisodes par soirée). Disponible en intégralité sur Canal+ à la demande. Les saisons 1 et 2 seront diffusées à la suite.

« Martin, sexe faible » : le monde à l’envers

LA PROMOTION - Martin, sexe faible
Durée : 02:38

« Je m’appelle Martin, j’ai 30 ans, et dans mon monde, ce sont les femmes qui ont le pouvoir. » Voilà une websérie futée, drôle et même jouissive ! En fait, dans le monde de Martin, les hommes restent des hommes, les femmes des femmes, mais un tout petit truc, juste monumental dans ses effets, s’est inversé : ces micro-frustrations invisibles que les femmes vivent au quotidien, ce que l’on attend d’elles sans même y penser, ce que l’on critique chez elles sans beaucoup creuser, ces mille et uns petits plis de domination entre lesquels elles font du gymkana, voilà que ce sont les hommes qui y sont soumis…

Premier épisode : Martin, venu faire un contrôle après avoir pris la pilule pendant sept ans, se retrouve étendu, les pieds dans les étriers d’une table « gynécologique », et voit son andrologue inopinément remplacé par une femme. Pas à l’aise, le Martin. Fou rire garanti, au moins de la part des spectatrices !

Martin, sexe faible, websérie créée par Paul Lapierre, Juliette Tresanini et Antoine Piwnik. Avec Paul Lapierre, Juliette Tresanini, Jordi Le Bolloc’h, Marion Seclin (France, 2016, trois saisons, soit 28 épisodes de 3 minutes). Sur Studio 4, le site des nouvelles écritures de France Télévisions.

« Le Temps des égarés » : la force du récit pour survivre

FIPA 31 - Rencontre avec Claudia Tagbo et Virginie Sauveur
Durée : 04:36

Sira Diabaté (Claudia Tagbo) travaille en tant que traductrice à l’Ofpra, l’organisme chargé d’attribuer et surtout de refuser le droit d’asile en France. Arrivée elle-même toute jeune sur notre sol après avoir survécu à l’émigration, elle sait le type de récit personnel qu’il convient de présenter aux autorités pour augmenter ses chances d’obtenir le droit d’asile. Ce qui l’amène, mais seulement contre forte rétribution, à inventer de fausses histoires aux réfugiés qui se présentent à l’Ofpra, en travestissant leurs propos afin de les rendre plus pathétiques, sous le couvert de leur traduction.

Pour donner un corps et une âme aux réfugiés que l’on n’aperçoit le plus souvent que par grappes dans nos journaux télévisés, la réalisatrice Virginie Sauveur est partie d’un scénario écrit par Gaëlle Bellan (qui travaille sur la nouvelle saison du Bureau des légendes). Elle s’est focalisée sur le parcours en France de trois d’entre eux : l’un, arrivé du Mali avec sa fille Assa pour la préserver de l’excision ; cette petite fille, Assa, qui va vite se retrouver seule au monde ; un intellectuel Irakien, Abdul, qui a fui l’organisation Etat islamique. Avec, en contrepoint, l’attitude plus ou moins égoïste ou réfractaire des Français que ces migrants seront amenés à rencontrer.

Une thématique dure et sensible, quasiment jamais abordée en fiction, qui a reçu le prix du public 2018 au Festival international de Biarritz ainsi que les prix de meilleurs fiction, scénario et musique au Festival des créations audiovisuelles de Luchon.

Le Temps des égarés, téléfilm de Virginie Sauveur. Avec Claudia Tagbo, Biyouna, Jean-Pierre Lorit, Alice Belaïdi (France, 2018, 90 minutes). Sur Arte, vendredi 25 mai à 20 h 55.