« Tennis World Tour », suite spirituelle de « Top Spin 4 » mais avec un budget bien moindre, souffre de nombreux problèmes de finition. / BigBen Interactive

A 5-4, service à suivre, lorsque le coup droit de John Isner s’en est allé mourir soixante centimètres derrière notre ligne de fond de cour, comme une explosion de joie a retenti dans le salon. Ce n’était pas la satisfaction d’une victoire à l’arrachée, car étonnamment, même notre partenaire de canapé a exulté.

Non, le petit exploit auquel nous venions alors d’assister, c’était tout simplement la première partie de Tennis World Tour arrivée à son terme sans buguer. Les quatre précédentes s’étaient soldées par un gel d’écran et un retour intempestif au menu de départ, dont deux dès le tout premier jeu du match. Dans ces conditions, ce 6-4 avait un petit goût de victoire à Roland-Garros.

Tennis World Tour a été lancé, mardi 22 mai, sur PlayStation 4 et Xbox One par l’éditeur français BigBen Interactive avec des anciens de la très cotée série Top Spin. Il est venu rejoindre AO International Tennis (pour Australian Open), sorti le 8 mai, et conçu par le studio australien Big Ant Studios, plutôt habitué aux simulations de rugby.

« AO International Tennis » met en avant l’Open d’Australie, Nadal, et un système de visée plus piégeux qu’il n’y paraît. / Big Ants Studio

Dans les deux cas, une énorme attente de la part des amateurs de petite balle jaune, sevrés de jeux vidéo dignes de ce nom depuis l’impeccable Top Spin 4 sur consoles en 2011, et l’austère mais vénéré Tennis Elbow 2013 sur PC. Mais, dans les deux cas aussi, des productions réalisées avec un budget très limité, et forcément, loin des standards de l’époque PlayStation 3.

Sortie précipitée

Le résultat, ce sont deux titres qui, dès les premiers échanges, montrent leurs limites. Visuelles d’abord : les simulations australienne comme française arborent des modèles 3D grossiers, des animations maladroites, des décors simplistes, des ramasseurs de balles inertes, des spectateurs semblables à des Playmobil.

Tennis World Tour souffre tout particulièrement d’une finition ingrate et de nombreux bugs d’affichage, voire de plantages difficilement acceptables : cinq sur nos sept premières parties, du jamais-vu de mémoire de joueur. BigBen Interactive promet que ceux-ci seront résolus d’ici à la fin de semaine grâce à un patch, un correctif à télécharger. Ce dernier ne devrait toutefois pas faire de miracle sur la réalisation générale du jeu.

Côté licences, le jeu français peut au moins se prévaloir de proposer Roger Federer, des étoiles montantes comme Dominic Thiem et Grigor Dimitrov et quatre tennismen français (Jérémy Chardy, Gaël Monfils, Lucas Pouille, Richard Gasquet), à défaut de nombreuses tenniswomen – il n’en a que cinq, mais de taille, comme Eugénie Bouchard, Garbiñe Muguruza et Caroline Wozniacki.

AO International Tennis ne fait pas mieux, avec un casting plus mixte, mais plus restreint, qui va de Rafael Nadal à Caroline Garcia en passant par John Isner, et une majorité de sportifs et sportives vieillissants ou mal classés. Dans les deux cas, Djokovic, Murray, Wawrinka ou encore Nishikori sont absents, comme la numéro 1 mondiale Simona Halep ou les sœurs Williams. Le contenu reste lui aussi perfectible : tandis qu’AO International Tennis ne dispose des droits que de l’open d’Australie, les développeurs se sont concentrés sur le mode carrière de Tennis World Tour, mais il ne dispose pas, à son lancement, de jeu en ligne.

Du potentiel dans l’échange

C’est manette en main que les deux titres sont, sinon les plus réjouissants, au moins les plus ambitieux. Chacun avec une approche différente. AO International Tennis soigne le placement de la balle et le timing de la frappe, représentés en permanence à l’écran par deux indicateurs distincts. Tennis World Tour, en bon héritier de Top Spin, axe davantage sur les questions de positionnement, d’angle et de débordements.

« Tennis World Tour » offre les meilleures sensations dans l’échange. A condition de passer outre son criant manque d’options, une réalisation chiche et ses bugs à foison… / Bigben Interactive

Et à ce jeu-là, il est le plus gratifiant : tandis que son rival australien égare régulièrement le joueur avec des déplacements semi-automatisés agaçants, un système de jeu contre-intuitif et des parties désespérément mollassonnes, la production française offre des échanges à la fois plus naturels et plus tendus, tactiques et réalistes.

S’il arrive parfois de râler contre les services, facilement faute, ou quelques blocages inexplicables de la part des joueurs, il reste la simulation qui offre le plus de potentiel. De quoi, au moins, attendre une version 2019 que l’on espère mieux finie. Après ce 6-4 héroïque, la partie suivante a accouché d’un 5-7 encore plus gratifiant. Avant que le jeu ne replante à la belle, à 40-0 au premier jeu.

En bref

On a aimé :

  • La construction des échanges dans Tennis World Tour
  • Magnifique ode aux patchs correctifs
  • Jo-Wilfried Tsonga absent : très réaliste

On n’a pas aimé :

  • La mollesse désespérante des parties dans AO International Tennis
  • Les bugs et plantages à foison dans Tennis World Tour
  • La non-existence scandaleuse de Top Spin 5

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous faites l’album Panini des jeux de sport à petit budget (vous aviez déjà le rugby)
  • Vous êtes l’Indiana Jones moderne des bugs informatiques dans le jeu vidéo
  • Vous êtes prêt à tous les sacrifices pour retrouver un peu du feeling de Top Spin 4
  • Vous rêviez depuis des années d’incarner Jérémy Chardy

C’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous êtes habitué aux standards de qualité de FIFA 18 et NBA 2K18.
  • Votre PS3 ou votre Xbox 360 est encore branchée (on vous a parlé de Top Spin 4 ?)
  • Vous cherchiez un jeu de stratégie avec des zombies armés de lance-poulets

La note de Pixels :

Double faute/10