C’est bien une balle tirée par un policier qui a tué la petite Kurde irakienne Mawda Shawri, 2 ans, lors d’une course-poursuite sur une autoroute qui s’est terminée tragiquement à Maisières, en Belgique, dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 mai. Après des hésitations et une autre version, le parquet de Mons a confirmé mardi 22 mai le récit des parents de la fillette.

Une seule balle a été tirée à l’issue de la poursuite entre plusieurs voitures de police et une fourgonnette munie de fausses plaques. Elle transportait une trentaine de migrants, dont quatre enfants. Le passeur comptait acheminer ses passagers vers la France, avant qu’ils tentent de gagner la Grande-Bretagne. « Nous voyons régulièrement des gens qui transportent des migrants dans des conditions inhumaines, voire criminelles, au mépris de la santé d’autrui », a expliqué le parquet. Le phénomène s’est accru depuis le démantèlement de la jungle de Calais, insistent les magistrats.

Un policier aurait tenté de viser le conducteur, qui se livrait à une dangereuse course folle, tentant notamment de précipiter une voiture des forces de l’ordre sur le bas-côté. La balle a, en fait, atteint de la petite Mawda au visage. Aucune arme n’a été trouvée dans le véhicule. Et le conducteur n’a pu être formellement identifié, les migrants respectant la loi du silence. Le tireur est, lui, connu et a été laissé en liberté. Il sera interrogé par le Comité P, dédié à la surveillance des polices, qui agit sur requête d’un juge d’instruction.

Les questions de l’opposition restées sans réponse

L’affaire a été évoquée, mardi, au Parlement belge. Interrogé par la commission de l’intérieur de la chambre des députés, le premier ministre Charles Michel a renouvelé sa promesse d’une enquête totalement indépendante. Il a précisé avoir reçu pendant 90 minutes les parents de la petite fille, qui devait être enterrée mercredi à Mons.

Le chef du gouvernement a expliqué que la famille Shawri – les parents et le frère de la jeune victime – pourrait rester légalement en Belgique. « Il existe une possibilité pour les personnes victimes de trafiquants ou de passeurs de rester sur le territoire. La famille peut utiliser cet instrument juridique », a fait savoir M. Michel, affirmant veiller au « devoir d’humanité ». L’instrument en question prévoit une aide et une protection pour ceux qui livrent des informations permettant de démanteler des réseaux de passeurs. Les Shawri pourraient également invoquer des circonstances exceptionnelles pour demander un titre de séjour.

Mardi, l’avocat de la famille kurde signalait cependant que tout le groupe de migrants, y compris ses clients, avait reçu l’ordre de quitter le centre où ils résident après les funérailles de Mawda.

Des députés d’opposition se sont étonnés de cette hâte à délivrer des ordres de quitter le territoire alors que l’enquête ne fait que commencer. Ils ont aussi tenté, sans succès, d’obtenir du premier ministre des réponses à une série de questions. Pourquoi les parents de la fillette, menottés, n’ont-ils pas été autorisés à accompagner l’enfant dans l’ambulance qui la transportait ? Pourquoi celle-ci n’est elle arrivée qu’au bout de plusieurs dizaines de minutes, alors que Mawda agonisait ? Pourquoi le parquet de Mons a-t-il manqué de prudence, en évoquant d’abord l’absence de tir et le « traumatisme crânien » qui aurait été à l’origine du décès ?

À tout cela, M. Michel n’a pas répondu, se retranchant derrière la nécessité d’attendre le résultat des enquêtes de la justice et du Comité P. Précisant qu’il s’opposerait à toute « instrumentalisation » du dossier, il a aussi évité de commenter les propos de son ministre de l’intérieur, le nationaliste flamand Jan Jambon, qui avait rapidement déclaré que les policiers avaient « fait leur travail » dans le cadre de la lutte contre les passeurs.