Une équipe de l’OMS prépare un centre de vaccination contre Ebola, à Mbandaka, en RDC, le 21 mai. / KENNY KATOMBE / REUTERS

La campagne de vaccination contre Ebola a été lancée lundi 21 mai en République démocratique du Congo (RDC), treize jours après la déclaration de l’épidémie dans le nord-ouest du pays. Sous des tentes blanches installées devant la mairie de Mbandaka, ville de 1,2 million d’habitants, les premiers vaccins ont été administrés à une dizaine de soignants. Plus de 600 personnes sont ciblées par cette première phase de vaccination « en anneau » qui a pour objectif d’arrêter la transmission du virus dans l’entourage des malades (« contacts » ou « contacts de contacts »). Les agents de santé, les techniciens de laboratoire et les personnes chargées d’organiser les inhumations seront immunisés en priorité.

Le programme de vaccination devrait démarrer le 26 mai à Bikoro – à 100 kilomètres de Mbandaka et 600 de Kinshasa –, l’épicentre de l’épidémie. L’acheminement des équipes médicales et du matériel est ralenti par l’état des routes : « Tout arrive par avion de Kinshasa, mais il faut ensuite un à deux jours pour que les camions arrivent à Bikoro », selon Hugues Robert, qui coordonne les opérations de Médecins sans frontières sur place. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la RDC a déjà réceptionné 7 500 doses de vaccins en prévision des nouveaux cas. Selon les chiffres publiés mardi 22 mai par les autorités, l’épidémie a déjà fait 27 morts, sur 51 cas confirmés ou suspects.

« Nous sommes loin d’avoir une vision claire de la situation. Si la maladie s’est déclarée dans des villages très reculés, nous n’en savons rien », souligne Hugues Robert, rappelant que la durée d’incubation de la maladie est de vingt et un jours. Même sensibilisés, les agents de santé peuvent passer à côté des premiers cas. « En pensant à Ebola, des images de films d’horreur nous viennent en tête, mais au début les symptômes sont similaires à ceux du paludisme. Il s’écoule un certain temps avant que les gens se rendent compte du problème », insiste le médecin, en soulignant que la vaccination n’est qu’un « outil supplémentaire » au côté des mesures classiques de surveillance et d’isolation.

Une usine dédiée en Allemagne

Fabriqué par le laboratoire américain Merck, le vaccin n’a pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM), mais son efficacité a été démontrée lors d’un essai clinique conduit en 2015 en Guinée et en Sierra Leone. Selon les résultats publiés en 2017 dans The Lancet, il confère une immunité complète dix jours après l’injection. Dans l’intervalle, l’immunité s’avère moindre : lors de l’essai, certaines personnes vaccinées avaient développé la maladie, sans que l’on sache si elles avaient été exposées au virus avant ou après la vaccination. Des essais conduits chez le singe suggèrent qu’il pourrait aussi être efficace comme traitement d’urgence, en étant administré juste après l’exposition. « Mais en dehors de quelques cas exceptionnels, nous n’avons aucune donnée chez l’homme », souligne Beth-Ann Coller, responsable du développement de ce vaccin connu sous le nom de code V920 ou VSV-EBOV.

Dans le cadre d’un accord passé avec l’organisation internationale Gavi, l’industriel a 300 000 doses en stock aux Etats-Unis, dont 100 000 sont prêtes à être expédiées. Une usine consacrée à la fabrication du vaccin doit prochainement entrer en service en Allemagne. Les inspections par les autorités de santé sont encore en cours, ce qui explique le retard pris dans la demande d’AMM. « Nous comptons déposer le dossier en 2019 », indique Beth-Ann Coller.

« Peur panique »

En RDC, le VSV-EBOV est déployé dans le cadre d’un protocole défini par les autorités de la RDC, l’OMS et MSF. Il avait été validé en 2017 en prévision d’une nouvelle épidémie. Les patients devront signer un « consentement éclairé » après avoir été informés de l’objet de la vaccination. « Nous n’anticipons pas de difficultés à Mbandaka, où les habitants ont accès au téléphone, à Internet et à la télévision. Mais là où les populations sont très isolées, ce sera plus compliqué car Ebola crée une peur panique », estime Hugues Robert. Les habitants, qui attribuent la maladie à la sorcellerie ou à un mauvais sort, se tournent davantage vers les guérisseurs ou les églises que vers les hôpitaux, ce qui favorise la diffusion du virus.

Les deux premiers patients guéris, dont un infirmier de l’hôpital de Bikoro, ont été autorisés samedi à retourner dans leurs familles. « Cela montre à la population que, bien pris en charge, on peut guérir », commente Hugues Robert.