Au Sénat, c’est chose ­connue, on défend les territoires. La réforme de la SNCF en est une illustration. Le projet de Nouveau pacte ferroviaire, lancé le 26 février par le premier ministre Edouard Philippe et voté en première lecture à l’Assemblée nationale en avril, fait son entrée devant la haute assemblée.

Le texte, contesté depuis par une longue et inédite grève des cheminots, était examiné mercredi 23 mai au matin par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, avant la discussion en séance publique du 29 mai au 5 juin. Cette séquence devrait se solder par un renforcement du pouvoir des régions et des territoires en matière ferroviaire.

Plusieurs amendements sur les gares

Les artisans de cette inflexion, qui n’était pas forcément anticipée par le gouvernement, sont le sénateur Union centriste de l’Eure, Hervé Maurey, président de ladite commission, et son vice-président, le sénateur apparenté LR d’Eure-et-Loir, Gérard Cornu, rapporteur du projet de loi. « L’une des contributions fortes du Sénat à la réforme sera d’y ajouter des mesures favorisant l’aménagement du territoire », explique M. Cornu. ­Celui-ci a concocté quelques amendements qui ne devraient pas déplaire aux élus de terrain.

« Sur ce sujet du ferroviaire, il y a eu un dialogue constructif avec le gouvernement », reconnaît Hervé Morin, président de l’association Régions de France.

Parmi les modifications les plus spectaculaires, on trouve la possibilité de « conventionner » (c’est-à-dire de créer des contrats subventionnés de service public) sur des dessertes TGV non rentables. Il s’agit d’éviter que, dans l’avenir, les opérateurs en concurrence dans la grande vitesse se concentrent seulement sur les grandes lignes qui rapportent et délaissent les autres. Le gouvernement avait identifié ce risque mais ne souhaitait pas y remédier autrement que par une modulation des péages ferroviaires. Le Sénat va probablement en décider autrement.

Le rapporteur de la loi a aussi glissé plusieurs amendements sur les gares, qui seront rattachées à SNCF Réseau sous forme de filiale. M. Cornu a souhaité rappeler leur rôle joué dans la redynamisation des villes moyennes, prévoyant une forme de compensation entre les petites et grandes stations, et associant usagers et collectivités locales à leur administration.

Mais c’est sur les sujets de concurrence ferroviaire que la main du Sénat va se faire sentir le plus fortement… à la grande satisfaction des exécutifs régionaux. Si d’aventure la SNCF perd un appel d’offres au profit d’un concurrent, la région qui aura libéralisé le marché récupérera la propriété des ateliers de maintenance et des trains.

« Avec la SNCF, des échanges parfois rudes »

Surtout, la région décidera du nombre de salariés de la SNCF qu’il est nécessaire de transférer vers le nouvel opérateur, afin que le service public soit rendu sans surcoût. Le groupe public historique pourra donner son avis mais la région décidera. En cas de litige, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières jouera les arbitres.

Du côté de Régions de France, l’association représentant les intérêts des treize régions françaises, on se dit « globalement satisfait » des évolutions de la future loi. « Sur ce sujet du ferroviaire, il y a eu un dialogue constructif avec le gouvernement, reconnaît Hervé Morin, son président et patron (les Centristes) du conseil régional de Normandie. Les discussions avec la SNCF ont aussi été fructueuses même si les échanges ont été parfois un peu rudes. En particulier sur la question de la mise à disposition des données nécessaires pour construire les appels d’offres. »

Les présidents de régions ne sont pas comblés pour autant. Ils continuent à trouver que les futures hausses des péages payés par les trains régionaux à SNCF Réseau sont trop fortes, et aimeraient bien que passe un amendement permettant une délégation aux régions de la maîtrise d’ouvrage sur les travaux ferroviaires. « Cela nous permettra de baisser le coût du kilomètre ferroviaire », espère Hervé Morin.