Pas question pour le controversé professeur Henri Joyeux de répéter la même erreur qu’il y a deux ans lors de l’audience devant la chambre disciplinaire régionale de Languedoc-Roussillon. Venu « mains dans les poches », selon ses propres termes, sans avocat ni discours écrit, se défendre d’avoir tenu des propos « alarmistes » sur les vaccins, il avait été condamné à être radié de l’ordre des médecins en juillet 2016. C’est cette lourde sanction – suspendue le temps de l’appel – que le cancérologue retraité, âgé de 72 ans, est venu contester, jeudi 24 mai, devant la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, à Paris.

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Cette fois, pas de dialogue avec ses pairs, comme à Montpellier le 27 mai 2016, mais un long plaidoyer de son avocat et une prise de parole solennelle de sa part. « J’ai passé pas mal d’épreuves orales dans ma vie, aujourd’hui c’est la plus importante », a-t-il lancé, avouant « une certaine émotion après quarante-six années de pratique ».

En face, le représentant de l’ordre des médecins, pourtant à l’origine de la plainte, s’est contenté du service minimum, rappelant notamment que les « prises de position récurrentes » de M. Joyeux sur les vaccins constituaient des « critiques dénuées de nuances » et qu’à ce titre, elles étaient « inappropriées et délétères ».

« Oui, j’ai eu des mots forts »

En juin 2015, Patrick Bouet, le président du Conseil national de l’ordre des médecins, avait saisi les instances disciplinaires du cas de M. Joyeux en dénonçant « l’ensemble de ses propos » sur les vaccins. Dans une pétition et une vidéo largement diffusée sur Internet, le chirurgien montpelliérain dénonçait alors la pénurie des vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), qui obligeait les parents à utiliser un produit combiné, dit hexavalent, protégeant aussi contre la coqueluche, l’haemophilus et l’hépatite B. Un vaccin contenant, selon lui, des substances « dangereuses », voire « très dangereuses », comme de l’aluminium. Le professeur était également poursuivi pour ses prises de position contre une recommandation du Haut Conseil de la santé publique préconisant d’abaisser de 11 à 9 ans l’âge de la vaccination contre le papillomavirus pour les filles.

Particularité de l’audience, jeudi, la présence aux côtés de M. Joyeux de Xavier de Boisgelin, le président du conseil départemental de l’Ordre de l’Hérault, qui contestait lui aussi la décision de radiation, jugeant cette sanction « exagérée » et « disproportionnée pour une prise de position similaire à celle d’un lanceur d’alerte ».

C’est cette ligne de défense qu’a déroulé Jean-François Jésus, l’avocat d’Henri Joyeux. « L’homme qui est devant vous n’est pas un antivaccin, a-t-il lancé. Vous ne trouverez aucune ligne où vous considérerez qu’il est antivaccin. Il est pour les vaccins, il est contre les excès. » Dénonçant le « calvaire », « l’excommunication », voire la « crucifixion » dont a été selon lui l’objet son client à travers cette décision, Me Jésus a plaidé pendant près d’une heure le droit à la « controverse scientifique » et à la « liberté d’expression ».

« Le procès d’aujourd’hui est un procès scientifique, ce n’est pas un procès d’image, lié à des ragots », a déclaré Me Joyeux. « Oui, j’ai eu des mots forts », a-t-il reconnu, « mais je n’avais pas à être à genoux devant des décisions du Haut Conseil à la santé publique, c’était mon rôle d’universitaire », a-t-il plaidé. La décision de la chambre disciplinaire devrait être rendue d’ici trois à six semaines.