Marine Le Pen lors d’un discours à Nice, le 1er mai 2018. | THIBAULT CAMUS / AP

Selon Le Parisien, qui a eu accès aux comptes de la campagne présidentielle 2017 de Marine Le Pen, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a retoqué près de 900 000 euros de dépenses des comptes de Marine Le Pen. C’est plus que tous les autres candidats.

D’après les documents qu’a pu consulter le quotidien francilien, la Commission a remis en cause l’utilité électorale de certaines dépenses importantes. Dont, par exemple, un déplacement au Tchad en affrétant deux jets privés (un Falcon 900 et un Gulfstream) ayant coûté pas moins de 128 950 euros.

Autres dépenses dont l’utilité de campagne n’est pas évidente, une commande de 240 bouteilles de champagne Lanson après le dernier meeting à Ennemain, dans la Somme, pour la somme de 5 155,20 euros, ou encore 78 903 euros dépensés en course de taxi à une seule compagnie par les cadres médiatiques du Front national, dont quasi tous les trajets ont été faits à Paris intra-muros. Florian Philippot, habitué des plateaux télévisés, est le plus gros client du parti et détient le record du nombre de courses sur un mois (194 trajets, pour 5 767 euros). « Il est clair que j’étais ultramobile (QG, médias, événements…) d’autant que je n’avais pas de bureau fixe au QG de campagne », s’est défendu l’ancien numéro deux du parti auprès du Parisien. Plus surprenant, le parti frontiste a également demandé le remboursement de plusieurs centaines d’euros de contraventions.

Une masse salariale très importante

L’un des plus gros postes de dépense de la campagne est la rémunération des employés de la campagne. Ainsi, 2,4 millions d’euros ont été dépensés pour rémunérer les salariés chargés d’organiser la campagne électorale, soit 20 % des dépenses totales. Parmi la soixantaine d’employés que comptait l’équipe au plus fort de la campagne, on peut noter David Rachline, qui percevait 2 400 euros mensuels, en plus de ses émoluments de sénateur et de maire de Fréjus, ou encore Bruno Bilde, conseiller régional des Hauts-de-France (3 400 euros mensuels). Des montants plutôt faibles au regard d’autres cadres du parti, bien mieux rémunérés. Jean-Lin Lacapelle, responsable de la mobilisation militante, a par exemple été rémunéré 7 950 euros par mois, tandis que Jean Messiha, conseiller spécial de la candidate, touchait 12 700 euros par mois.

Sondages et commandes entre amis

On apprend aussi que l’équipe de campagne a dépensé des sommes non négligeables dans les études d’opinion. Bien que plusieurs grandes entreprises de sondages refusent de travailler avec le Front national, le parti d’extrême droite a commandé quelque 189 814 euros d’études d’opinion au cabinet spécialisé Christophe Gervasi Consultants. Pas si loin, donc, du budget sondages de la campagne d’Emmanuel Macron (environ 230 000 euros).

Outre ces dépenses régulières, la Commission note que les 154 680 euros payés pour l’impression de quatre millions de tracts « semblent excéder les prix moyens du marché de trois fois ». Une commande trop chère donc, à l’imprimeur Presses de France, qui est dirigé par Axel Loustau, un ami de Marine Le Pen et ancien du Groupe union défense (GUD), un syndicat étudiant d’extrême droite.

Dans le même registre, quelque 494 809 euros ont été dépensés pour l’animation de la campagne sur le Web et les réseaux sociaux à une entreprise que le parti connaît bien : e-Politic. Cette jeune société a été créée en 2014 par l’ex-numéro deux du Front national jeunesse (FNJ), Paul-Alexandre Martin, dont l’associé n’est autre que Frédéric Chatillon, un vieil ami de Marine Le Pen, dont l’entreprise Riwal est associée au financement du microparti de Marine Le Pen, Jeanne, au cœur d’une affaire judiciaire. Frédéric Chatillon a depuis été mis en examen pour « abus de bien sociaux » et sa société est interdite par la justice de travailler avec le FN.

« Nous n’avons plus le droit de nous adresser à Riwal, mais rien ne nous interdit de collaborer avec Frédéric Chatillon », explique un cadre du FN. « Nous avons toujours recours à lui parce que c’est un excellent professionnel. C’est un ami, nous avons toute confiance en lui », a réagi le trésorier du parti d’extrême droite, Wallerand de Saint-Just.

La Commission a tout de même validé les comptes, ce qui a permis un remboursement total de 11 542 991 euros au Front national.