Serena Williams lors de sa finale perdue face à Garbine Muguruza / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

Serena Williams n’a pas tellement l’habitude d’être traitée comme le commun des mortels. Souvent taxée de diva sur le circuit, l’Américaine est autant réputée pour sa combativité sur le court que pour ses caprices en dehors. A Roland-Garros, elle n’a eu le droit à aucun traitement de faveur de la part des organisateurs du tournoi, qui démarre dimanche 27 mai. Sur le plan du classement, du moins.

La Fédération française de tennis a confirmé en début de semaine que les têtes de série du tableau féminin – un statut qui permet aux 32 meilleures d’éviter de croiser précocement la route des favorites – étaient cette année encore déterminées selon le classement de la Women’s Tennis Association (WTA), qui régit le circuit féminin. Aucune exception n’a été faite pour l’ex-numéro un mondiale qui, après avoir donné naissance à son premier enfant en septembre 2017, est retombée au 453e rang depuis. L’Américaine a hérité d’un premier tour plutôt clément, opposée à la Tchèque Krystina Pliskova (70e), mais elle pourrait affronter la Russe Maria Sharapova en huitièmes de finale.

« Ce système de protection, ce n’est pas tant pour devenir mère que pour avoir une vie »

Une situation contre laquelle s’est insurgée une partie de la presse américaine. « Roland-Garros punit Serena Williams d’avoir eu un bébé », a titré le quotidien USA Today mardi 22 mai tandis que le site Business Insider jugeait que la « grossesse de la joueuse pourrait lui coûter cher » à Paris. Même la fille et conseillère du président Trump, Ivanka, y est allée de son Tweet : « aucune mère ne devrait être pénalisée professionnellement. La WTA doit changer cette règle immédiatement. »

Le dilemme qui se pose aux joueuses entre fonder une famille ou poursuivre leur carrière sportive est presque aussi ancien que les premières raquettes en bois mais ces derniers mois, le débat sur le sort à leur réserver après un congé maternité s’est accéléré. « Ce système de protection, ce n’est pas tant pour devenir mère que pour avoir une vie, commentait Serena Williams dans le New York Times, le 27 avril. On ne devrait pas avoir à attendre la fin de notre carrière pour avoir des enfants. Si on veut avoir un bébé et prendre quelques mois ou même une année entière avant de revenir, on ne devrait être pénalisées pour ça. »

La règle actuelle du « classement protégé » permet seulement d’intégrer directement le tableau principal des tournois (sans passer par les qualifications donc) après une longue absence pour cause de blessure, maladie ou maternité. « La grossesse n’est pas une blessure », clame la joueuse de 36 ans, déplorant que la procédure ne fasse aucune distinction.

Avis partagés

En mars, à Miami, la cadette des sœurs Williams avait été éliminée d’entrée par l’une des têtes de série du tournoi, la Japonaise Naomi Osaka, titrée huit jours avant à Indian Wells. « Ce n’est pas comme si elle revenait de blessure ou qu’elle avait perdu la passion pour le jeu. Elle a eu un enfant, ce que nous devrions tous saluer. A son retour, il devrait y avoir une période de transition qui lui permette de rester tête de série », avait estimé le directeur du tournoi de Miami et ancien joueur James Blake, alors que la WTA n’avait pas souhaité déroger à la règle.

Pour son retour en Grand Chelem post-maternité, en 2017 à Wimbledon, la Biélorusse Victoria Azarenka n’avait pas bénéficié de la clémence des organisateurs. Ni elle ni Kim Clijsters, lors de sa reprise à l’US Open en 2009, n’étaient têtes de série. Cela n’avait pas empêché la Belge de remporter le tournoi.

La WTA étudie l’éventualité de faire évoluer ses règles, a fait savoir à Miami Azarenka, membre du conseil des joueuses. « C’est une question difficile (…). Nous devons nous assurer que tout le monde voit les choses de la même manière. Et il faut prendre aussi en compte le fait que certaines ont travaillé très dur pour être tête de série et en perdront le bénéfice [au profit des jeunes mères]. »

Sur le circuit, les avis sont partagés. La Russe Maria Sharapova et la Roumaine Simona Halep ont fait savoir qu’elles étaient en faveur d’un statut protégé. Mais l’objection vient parfois de là où on ne l’attend pas. Mandy Minella, qui a fait son retour en février, 99 jours après la naissance de son premier enfant, plaide le statu quo. « La règle doit rester ce qu’elle est, disait en mars la Luxembourgeoise au micro de la BBC. Je ne pense pas qu’on en débattrait s’il n’était pas question de Serena… Et puis elle est tellement douée qu’elle va réussir à revenir au sommet. » Comme si Mandy Minella trouvait sa consœur un peu trop choyée déjà.