Le commissaire-priseur Damien Leclere (ici en octobre 2012) exerce à Marseille depuis onze ans. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Sorti de Paris, point de salut pour le marché de l’art ? Le produit des ventes publiques a chuté de 18 % dans les Pays de la Loire et de 25 % en Auvergne-Rhône-Alpes, quand il a augmenté de 9 % en Ile-de-France en 2017, selon le dernier rapport publié par le Conseil des ventes volontaires.

Une poignée de commissaires-priseurs, de galeries et de foires tentent toutefois d’inverser la tendance. Samedi 26 mai, la maison de vente Leclere proposait, à Marseille, sa vente rituelle autour des peintres du Midi. Le même jour, à Troyes (Aube), une vacation de poupées et jouets anciens était organisée, tandis que, dimanche, la Galerie de Chartres devait disperser bijoux et objets de vitrine.

Le commissaire-priseur Damien Leclere, qui exerce dans la cité phocéenne depuis onze ans, a choisi de développer depuis 2015 une activité chez Drouot, à Paris, où il réalise désormais 80 % de son chiffre d’affaires. « Il est difficile de créer une émulation en province. On se retrouve devant des salles vides. A Drouot, vous avez 5 000 visiteurs par jour ; à Marseille, c’est peut-être 5 000 sur un an », admet-il, avant d’ajouter : « Si 10 % seulement de mes acheteurs sont en Provence, 50 % des objets viennent de cette région. »

La province, en effet, demeure riche d’objets inestimables. En septembre 2017, la maison de vente Ivoire Toulouse a ainsi cédé pour 1,2 million d’euros un sceau de l’empereur chinois Qianlong (1711-1799).

« On ne peut pas faire la caravane du cirque Gruss »

Les opérateurs français multiplient les journées d’expertise en région. Certains y ouvrent même des maisons de vente. Damien Leclere n’exclut pas de s’implanter dans une autre métropole française, à Lyon, Bordeaux ou Lille. « L’idée est de creuser une stratégie de proximité sur les territoires », explique-t-il.

Alexandre Millon a franchi le pas l’an dernier en fondant Millon Riviera, à Nice, en association avec Olivier Leydet, un huissier de justice local. « 20 % à 25 % de nos lots viennent de province, observe-t-il. On ne peut pas faire la caravane du cirque Gruss : aller voir les gens un jour et repartir. Il faut une adresse permanente, que ce soit un bureau ou une maison de vente. »

En matière d’art contemporain, les foires prospèrent en région : Art Up ! à Lille, ST-ART à Strasbourg, Docks Art Fair à Lyon et, la plus qualitative de toutes, Art-O-Rama à Marseille. Toutes ont une vertu pédagogique, formant un public qui, d’ordinaire, ne franchit pas la porte des galeries. « De nombreux collectionneurs ne visitent pas les grandes foires par manque de temps, constate Patricia Houg, directrice de ST-ART. Ils ont d’autres moyens d’acquisitions qui ne passent pas obligatoirement par la visite d’une foire nationale. »

Bien que plusieurs galeristes aient baissé le rideau au fil des ans, à l’image de Thomas Bernard, qui a fermé en 2015 son site bordelais pour se concentrer sur Paris, ou de Gourvennec Ogor à Marseille, un petit nombre d’enseignes s’efforce de garder la flamme intacte en région.

Initiatives porteuses

Lorsqu’Yvonne Paumelle crée, en 1986, la galerie Oniris, à Rennes, son ambition est de s’inscrire dans la ville avec des artistes pointus comme François Morellet ou Vera Molnar. « Si je veux exister à Rennes, il est indispensable d’être visible au niveau national voire européen, confie son fils, Florent Paumelle, qui a repris le flambeau. Notre clientèle est très peu locale. Nous avons assez peu de collectionneurs à moins de deux heures de Rennes. » Aussi la galerie doit-elle multiplier sa participation aux foires en France et à l’étranger, et développer les ventes en ligne.

« Depuis plusieurs années, nous réalisons régulièrement des ventes à distance. Et depuis un an Rennes est à 1h25 de Paris en TGV. Les collectionneurs se projettent plus facilement sur un déplacement à la galerie », poursuit M. Paumelle. Celui-ci a choisi de ne pas participer aux foires régionales, qu’il juge trop inégales.

Cependant, il privilégie d’autres initiatives plus porteuses en région, à l’instar de l’opération « Une partie de campagne », organisée par le galeriste parisien Bernard Utudjian, du 25 au 27 mai, à Chassagne-Montrachet (Côte-d’Or).

Les collectionneurs parisiens, blasés des grands raouts, ne cherchent pas forcément le dépaysement à New York ou Berlin, mais dans la campagne française. Les marchands d’arts primitifs l’ont bien compris. C’est pourquoi ils ont lancé, en 2016, le Bourgogne Tribal Show, dont la troisième édition se tenait du 26 au 29 mai à Besanceuil, près de Cluny. Une manière de retrouver, loin de Paris, le goût de l’art et de la convivialité.