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Les peuples rouge, pour Liverpool, et blanc, pour le Real Madrid, convergent depuis une semaine vers Kiev, où aura lieu, samedi 26 mai, la finale de la Ligue des champions entre les deux équipes. L’expérience n’a pas été joyeuse et exaltante pour tout le monde. Le prix parfois exorbitant des hôtels et Airbnb dans la capitale ukrainienne, ainsi que l’annulation de certains vols, ont valu des critiques à la ville hôte de la part des fans anglais et espagnols.

Les plaintes les plus véhémentes sont venues de Liverpool, où les fans des Reds attendaient cette finale depuis la victoire en 2005. Trois vols censés amener plus de 1 000 supporteurs à Kiev ont été abruptement annulés, faute de place dans les deux aéroports de la région. La situation est sérieuse au point que la police a sécurisé les locaux de l’agence de voyage à Liverpool pour la protéger de la colère des clients, qui avaient parfois payé plusieurs milliers d’euros. Le tour-opérateur rejette la faute sur les services aéroportuaires de Kiev.

« Ils n’ont ni les infrastructures aéroportuaires ni la capacité hôtelière pour accueillir un événement de cette ampleur », a abondé le directeur général de Liverpool, Peter Moore, dans le quotidien Liverpool Echo, qui recense en temps réel les doléances des touristes britanniques sur les réseaux sociaux.

« Ça ne concerne pas que les supporters de Liverpool, mais aussi ceux du Real. Il y aura des leçons à tirer de cela. Soyez assuré que j’en ai fait part aux plus hautes sphères de l’UEFA. »

Peter Moore est « optimiste » pour qu’une solution soit trouvée et que le millier de fans des Reds coincés puissent se rendre à Kiev. Mais une fois sur place, ce ne sera pas forcément plus facile, comme l’ont découvert les visiteurs déjà arrivés. Certes, la bière ukrainienne n’est pas chère (2 euros pour une pinte), mais pas assez pour compenser le prix parfois indécent des logements.

« C’est une honte pour la capitale »

Comme dans toutes les villes qui accueillent un grand événement sportif, les hôteliers de Kiev pratiquent un surplus pendant la période. La version ukrainienne de la combine est un peu extrême, avec certaines chambres 3 étoiles atteignant les 2 000 dollars la nuit et des réservations annulées à la dernière qui doivent ensuite être refaites à un tarif cent fois supérieur. Grigoriy Surkis, vice-président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et d’origine ukrainienne, s’est dit « furieux » de la situation :

« C’est une honte pour la capitale où les propriétaires d’hôtel n’ont pas donné à tout le monde la chance de pouvoir venir en multipliant leurs prix non pas par dix, comme ça arrive dans les autres villes, mais par cent. »

Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, s’est réfugié derrière « la loi du marché » pour expliquer la jungle tarifaire de sa ville :

« Le fait que les prix augmentent avant un événement majeur, ça arrive à d’autres endroits qu’à Kiev. C’est une pratique mondiale. La ville ne peut pas réguler le commerce. C’est la loi du marché. »

D’autres, plus soucieux de la mauvaise image renvoyée par leur ville, se sont organisés en ligne pour proposer des logements gratuitement aux étrangers en perdition. Des hashtags comme #FreeKyivCouch4Fans circulent et même le ministre de l’information, Iouri Stets, s’est mis en scène, accueillant un couple de supporteurs du Real Madrid.

Reste, enfin, l’éternelle question des places pour le match. Comme c’était le cas pour la finale de Ligue Europa entre l’OM et l’Atletico Madrid, l’UEFA a octroyé une part égale de billets – 16 626 – à chaque équipe pour distribuer à leurs supporteurs à un prix abordable. Le reste des 70 000 places du stade olympique sera vendu à des prix moins raisonnables - entre 70 et 6 700 euros – ou distribués à des partenaires commerciaux.

Et quand 1 000 supporteurs de Madrid revendent leurs places, car le voyage est trop cher, l’UEFA refuse de les donner à des fans de Liverpool motivés, préférant les mettre en vente au prix réel. Le risque de voir un stade pas rempli pour le match européen le plus important de l’année est bien réel, craint James McKenna, du groupe de supporteurs scouser Spirit of Shankly, cité par le Times :

« S’il y a des places vides au stade pendant la finale, l’UEFA devrait se poser des questions, dit-il au Times. C’est déjà une débâcle et c’est à cause des choix de l’UEFA sur le lieu de la finale et les prix des places. »

La dernière finale attribuée sans appel d’offres

SERGEI SUPINSKY / AFP

Ce n’est pas seulement le manque de préparation et la distance de Kiev avec le reste de l’Europe qui fait tiquer les Anglais et les Espagnols. C’est tout simplement le choix d’avoir la finale de la Ligue des champions dans la capitale ukrainienne. « La décision d’organiser cette finale dans un lieu si lointain et si extraordinairement cher d’accès doit être expliquée par ceux qui l’ont prise », a lancé Tony Barrett, responsable des relations avec les supporteurs chez Liverpool.

Les décisionnaires, en l’occurrence, étaient les membres du comité exécutif de l’UEFA, et son président de l’époque, Michel Platini. L’attribution de grands événements footballistiques à des petites nations faisait partie de la politique du Français lorsqu’il dirigeait l’UEFA entre 2011 et 2016. Les choix de l’époque se faisaient sans appel d’offres. La finale à Kiev et la prochaine Supercoupe à Tallinn en Estonie sont les dernières attributions faites de cette manière.

Le successeur de Michel Platini, le Slovène Aleksander Ceferin, a depuis instauré le principe d’appel d’offres systématique pour l’attribution des compétitions. « Par le passé, un dirigeant disait simplement : je vous donne la finale. Maintenant, il faudra présenter un dossier, et le plus complet gagnera », a expliqué Ceferin dans un entretien à La Stampa, citant parmi les garanties demandées aux organisateurs un certain contrôle sur le prix des logements. « Kiev est magnifique, mais on ne peut même plus trouver une chambre sous les toits pour moins de 1 000 euros. »

La première finale de l’ère Ligue des champions sur dossier aura lieu en 2019 à Madrid, ville qui a battu l’autre candidate, la capitale azerbaïdjanaise Bakou. Les fans des prochains finalistes apprécieront.