Des tables et des urnes pour l’élection présidentielle du 27 mai 2018 en Colombie. / CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

Quelque 36 millions de Colombiens sont appelés aux urnes, dimanche 27 mai, pour élire le successeur de Juan Manuel Santos, issu du centre droit, ne pouvant plus se représenter en raison de ses deux mandats successifs.

Ce scrutin est capital pour la consolidation de la paix au sein d’un pays meurtri par près d’un demi-siècle de guerres fratricides, conclu par un accord de paix historique signé en 2016 avec l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Le maintien de cet accord est l’un des enjeux principaux de cette élection, le favori, Ivan Duque, y étant opposé.

  • La droite conservatrice en pôle position pour l’emporter

Ivan Duque lors d’un débat entre les candidats le 24 mai à Bogota. / HENRY ROMERO / REUTERS

Eradiquer le « cancer de la corruption », combattre le trafic de stupéfiants et restaurer une « Colombie de la légalité » : telles sont les propositions d’Ivan Duque, 41 ans, candidat de la coalition de droite Centre démocratique (CD). Ce jeune avocat et économiste, novice en politique, est donné largement favori du premier tour avec 41 % des intentions de vote, devançant d’une douzaine de points son principal rival, Gustavo Petro.

Brandissant régulièrement le spectre de la crise voisine au Venezuela – et une arrivée massive de migrants –, il défend un programme économique fondé sur la réduction d’impôts et la relance de l’économie colombienne, la quatrième d’Amérique latine, qui a enregistré en 2017 sa plus faible croissance en près d’une décennie (1,8 %, contre 3,85 % en moyenne depuis l’arrivée de M. Santos au pouvoir en 2010).

S’il se pose en chantre du renouvellement, il est toutefois considéré comme le dauphin de l’ancien président Alvaro Uribe, qui a dirigé le pays de 2002 à 2010. Ivan Duque bénéficie de l’aura du « papa de la Colombie », mais est également accusé d’être instrumentalisé par celui-ci, qui ne peut plus se représenter en raison de ses deux mandats consécutifs précédents.

  • L’inattendue percée de Gustavo Petro, ex-guérillero de gauche

Gustavo Petro lors d’un débat entre les candidats le 24 mai à Bogota. / HENRY ROMERO / REUTERS

C’est la première fois qu’un candidat de gauche est bien placé pour se trouver au second tour d’une élection présidentielle en Colombie, pays traditionnellement gouverné par la droite et allié des Etats-Unis.

D’autant plus que Gustavo Petro, 58 ans, ancien maire de Bogota et représentant du mouvement de la gauche indépendante « Colombie Humaine », est un ex-membre de la guérilla M-19, dissoute en 1990. Critiqué par la droite, qui n’hésite pas à brandir la menace du « castro-chavisme », il bénéficie toutefois d’une forte popularité, notamment auprès des classes populaires et des jeunes. Les inégalités criantes en Colombie ont permis à son programme de résonner d’une manière inédite : Gustavo Petro y défend en effet un discours anti-système favorable aux plus modestes, mais aussi des mesures progressistes comme l’autorisation de l’adoption par les couples homosexuels.

Quatre autres candidats sont en lice, dont un séduit particulièrement les électeurs du centre et de gauche modérée, inquiets des accès populistes de Gustavo Petro : Sergio Fajardo, mathématicien de formation, est soutenu par les Verts et le mouvement de gauche Polo Democratico. Il est crédité de 16 % des voix.

  • L’accord avec les FARC divise le pays

Au cœur du scrutin : le maintien ou non de l’accord historique signé en novembre 2016 avec les FARC. Ivan Duque le juge trop laxiste et fustige l’« impunité » dont bénéficieraient les anciens guérilleros, qui ont gagné le droit de se constituer en parti politique et d’obtenir jusqu’à 10 sièges au Parlement. Le candidat du CD demande une révision de l’accord afin de durcir les peines contre les membres des FARC coupables de crimes graves.

Gustavo Petro, quant à lui, défend bec et ongles cet accord, qu’il estime indispensable pour la construction de la paix en Colombie. La population elle-même est divisée : lors du référendum organisé sur ce sujet en octobre 2016, 50,2 % des Colombiens avaient voté contre une première mouture de l’accord de paix, par la suite retoqué.

Le scrutin du 27 mai risque de polariser ces deux franges de la population colombienne. Si Ivan Duque est donné gagnant par tous les sondages d’opinion, aucun des candidats ne semble en mesure d’obtenir plus de 50 % des suffrages et donc de l’emporter dès le premier tour. Le second tour aura lieu le 17 juin, et désignera le successeur de Juan Manuel Santos, qui devra gouverner avec un Congrès élu en mars et majoritairement acquis à la cause d’Ivan Duque.