Les médecins résidents algériens ont annoncé, dimanche 27 mai, qu’ils mettront fin le 3 juin à leur grève des gardes dans les hôpitaux publics, afin de permettre la reprise des négociations avec le ministère de la santé. Le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) explique cependant dans un communiqué que la reprise des gardes est « conditionnée par des négociations fructueuses avant cette date ».

Le mouvement de protestation de ces médecins spécialistes en formation a débuté il y a six mois et s’est durci le 22 mai, lorsqu’ils ont décidé de ne plus assurer leurs gardes. Selon le Camra, 88 % des résidents qui travaillent dans les services d’urgence ne se présentaient plus pour leurs gardes. Les hôpitaux ont dû se réorganiser en catastrophe, car les résidents constituent l’essentiel des effectifs des médecins spécialistes dans les établissements publics.

Au CHU de Bab El-Oued, les effectifs d’agents de sécurité ont été multipliés par deux dès le deuxième jour de l’arrêt des gardes, afin de filtrer les patients qui se présentent : « Pour entrer, il faut soit être dans un état très grave, soit avoir une lettre d’un autre praticien », assure un membre du personnel de l’hôpital. Une sorte de système de triage que les professionnels de la santé réclamaient depuis des années.

« Les administrations des hôpitaux ont réquisitionné des médecins généralistes pour assurer les urgences, explique Sadek Hamlaoui, l’un des porte-paroles du Camra à Alger. Elles ont même dû procéder à des recrutements via l’Agence nationale de l’emploi. Mais les hôpitaux sont malgré tout très déstabilisés et les blocs opératoires tournent au ralenti. »

« Les autorités sont muettes »

Les 15 000 résidents revendiquent depuis le début du mouvement la fin du service civil obligatoire – une période d’un à quatre ans pendant laquelle ils sont affectés dans une région où le nombre de médecins est insuffisant – et une amélioration de leurs conditions de travail. Dans une plateforme de revendications de plus de 60 pages remise au ministère de la santé, les grévistes énumèrent leurs demandes : logement de fonction pendant le service civil, indemnités de transport ou encore regroupement familial pour les couples de médecins.

En six mois, plus de dix réunions ont eu lieu avec le ministère de la santé. Les autorités assurent qu’elles ont de « nouvelles propositions » à faire, mais elles exigeaient la reprise des gardes. « Les résidents n’ont aucune garantie quant à ces propositions et on sait que les dernières réunions ont toutes été décevantes », prévient Sadek Hamlaoui. Leur lettre ouverte à la présidence de la République est restée, elle, sans réponse et la longueur du mouvement a eu raison de l’enthousiasme du début.

« Le moral n’est pas bon. Les autorités sont muettes. Cela fait plusieurs mois que les salaires ont été gelés. Certains médecins résidents sont rentrés vivre chez leurs parents parce qu’ils ne pouvaient plus payer leur loyer. D’autres sont très inquiets parce qu’ils ont des familles à nourrir », raconte Saïd, un médecin qui demande à rester anonyme. Dans les réunions, les échanges entre ceux qui veulent mettre fin à la grève et ceux qui veulent la maintenir se sont tendus. Des résidents racontent être régulièrement menacés par les administrations à propos de leur mouvement.

Le malaise s’étend au reste du système de santé. Depuis un mois, le syndicat des enseignants en médecine a débuté un mouvement de protestation. Les professeurs ont suspendu les cours et refusent de faire passer les examens aux élèves, notamment aux externes. Dans un communiqué, le Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires (Snechu) explique vouloir une amélioration des indemnités hospitalières, de meilleures retraites et, surtout, le droit d’avoir une activité dans le secteur privé. Sans réponse de la part des autorités, ils menacent d’étendre leur grève aux activités de soins.