Le 8 juin 2014, les Bleus avaient terminé leur préparation au Mondial brésilien en écrasant la Jamaïque par 8 à 0. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Un adage footballistique prétend que l’on joue comme on s’entraîne. Entendre par là que la qualité des entraînements permet d’être meilleurs le jour du match. Faut-il étendre cette logique aux rencontres de préparation d’une sélection avant une Coupe du monde ? Les trois répétitions de l’équipe de France face à l’Irlande (ce lundi soir à Saint-Denis), l’Italie (vendredi à Nice) et les Etats-Unis (9 juin à Lyon-Décines), seront en tout cas scrutées par les observateurs et le public. Et par le sélectionneur Didier Deschamps, qui saura notamment si ses latéraux incertains, Benjamin Mendy et Djibril Sidibé, sont physiquement prêts.

  • L’angoisse de la blessure

« Il n’y a pas à mettre le frein à main, c’est la pire des choses : dans le sport, c’est là qu’il y a le plus de risque de se blesser. On sort d’une période où la charge de travail était importante, mais c’était le moment de le faire. Il y a le plaisir d’être sur le terrain, mais pas de contrôle, pas à calculer. A fond. On lâche. »

Didier Deschamps a prévenu, en conférence de presse : le sélectionneur des Bleus, champion du monde en 1998, ne veut pas que ses joueurs jouent la peur au ventre avant cette Coupe du monde qui sera, pour quatorze d’entre eux, le premier tournoi majeur (neuf sur vingt-trois étaient à l’Euro 2016, seulement six au Mondial 2014).

L’ancien international Vikash Dhorasoo, consultant pour la chaîne l’Equipe, a participé au Mondial 2006, dont il a tiré un documentaire, The Substitute. Pour lui, « on ne peut pas jouer en ayant peur de se blesser. Sinon, on ne rentre jamais sur un terrain. Une fois que la liste des vingt-trois est donnée, on est rassuré, on est content. On ne pense même plus à la blessure. C’est avant que l’on peut y penser ».

Mais les corps fatigués, en fin de saison, n’ont parfois que faire de la bonne volonté. Pour les Bleus, deux célèbres épisodes sont encore dans les mémoires. Le destin des Bleus au Mondial sud-coréen et japonais s’est sûrement joué le 26 mai 2002. Les joueurs de Roger Lemerre effectuent leur dernière sortie préparatoire à Suwon face au co-organisateur. Ils s’imposent difficilement 3-2 mais, surtout, perdent leur leader, Zinédine Zidane, touché à la cuisse en première période. Comment se passer de l’idole qui vient de marquer un superbe but en finale de Ligue des champions avec le Real Madrid ?

(Reupload) 2002 Zinedine Zidane vs Korea
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Zizou est finalement du voyage, assiste impuissant aux débuts calamiteux (défaite contre le Sénégal et nul contre l’Uruguay) avant de disputer, fortement diminué, le dernier match décisif perdu face au Danemark. « Zidane souffrait d’une lésion du fémoral droit. On l’a fait jouer dans le dernier match de poule décisif contre le Danemark, il ne jouait que sur une jambe et ça n’a pas marché », a admis récemment Pascal Maillé, l’un des responsables du centre médical de Clairefontaine.

Quatre ans plus tard, la France termine sa préparation en dominant la Chine (3-1). Au bout de dix minutes de jeu, l’attaquant Djibril Cissé voit ses rêves de Mondial s’envoler. Après un contact anodin, il se tord de douleur. Il est opéré d’urgence d’une fracture du tibia et du péroné. L’Auxerrois n’était, cette année-là, qu’un joueur de complément et cette blessure spectaculaire n’a pas influé sur le destin des Bleus, finalistes en Allemagne. Appelé de dernière minute, Sidney Govou entrera en jeu quatre fois en fin de match.

  • Des contre-performances souvent annonciatrices

En remontant le fil de cinq dernières Coupes du monde, on remarque que les prestations des équipes de France lors des matchs de préparation sont souvent corrélées avec leur futur parcours en Coupe du monde.

Au rayon des contre-performances annonciatrices d’une catastrophe future, les Mondiaux 2002 et 2010 se placent bien entendu au premier rang. En 2002, les Bleus perdent à domicile au Stade de France face à la Belgique, malgré une présentation digne de rock stars, un brin surjouée – qui a oublié l’hymne enregistré par Johnny Hallyday : « Oh les champions, on est tous ensemble, c’est le grand jeu, la France est debout. Notre passion, toujours nous rassemble, allez les Bleus, on est tous avec vous ! » Ils s’imposent quelques jours plus tard péniblement face aux Sud-Coréens (3-2) mais y laissent, on l’a vu plus haut, leur maître à jouer. La compétition sera désastreuse.

France vs Chine 04.06.2010 (0-1) sensation
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En 2010, il fallait être devin pour prédire l’épisode rocambolesque du bus à Knysna. Cependant, l’analyse des matchs amicaux des Bleus permettait d’anticiper les difficultés sportives de cette équipe de France, éliminée au premier tour. Le 26 mai, ils s’imposent 2-1 contre le Costa Rica en laissant apparaître une certaine fébrilité défensive. Le 30 mai, un but de Gallas permet à la France d’éviter une défaite en Tunisie qui aurait fait désordre (1-1). Le coup de semonce survient le 4 juin à La Réunion : les joueurs de Raymond Domenech s’inclinent à la surprise générale face… à la Chine (0-1).

A l’inverse, pour les épisodes 1998, 2006 et 2014, davantage réussis, les Bleus avaient pu faire le plein de confiance en amont du Mondial. Il y a quatre ans, les Bleus écrasent la Norvège (4-0) avant d’éprouver plus de difficultés face à l’accrocheur Paraguay (1-1) et de conclure en beauté contre la Jamaïque (8-0). Au Brésil, ils ne s’arrêtent qu’en quart face au champion du monde allemand.

En 2006, hormis la blessure de Djibril Cissé, la préparation se passe plutôt bien. Les Bleus de Domenech gagnent trois fois en trois matchs : 1-0 contre le Mexique, 2-0 contre le Danemark et 3-1 contre la Chine. Le début de compétition poussif (nuls contre la Suisse et la Corée du Sud) n’empêche pas une montée en puissance qui ne s’achèvera qu’en finale, aux tirs aux buts face à l’Italie.

En 1998, les Bleus disputent le tournoi amical Hassan II au Maroc. Les prestations sont solides à défaut d’être flamboyantes, exactement à l’image du futur parcours des champions du monde : victoire 1-0 contre la Belgique et match au nul contre le Maroc (1-1, défaite anecdotique aux tirs aux buts). Le 5 juin, la dernière sortie aboutit à un court succès 1-0 à Helsinki contre la Finlande. Lors de ce match, Zidane fait preuve de nervosité : il ne récolte qu’un jaune pour avoir piétiné un adversaire. Quelques jours plus tard, il sera expulsé pour un geste similaire face à l’Arabie saoudite.

  • Les choix de dernière minute

Emmanuel Petit a gagné sa place au dernier moment avant le Mondial 1998. / ANTONIO SCORZA / AFP

Ces matchs de préparation sont parfois l’occasion de peaufiner les derniers détails. Certains joueurs gagnent leur place de titulaire. Cette année, Didier Deschamps est encore confronté à quelques incertitudes. Au milieu de terrain, Corentin Tolisso peut-il s’imposer à la place de Paul Pogba ? Devant, Kylian Mbappé sera-t-il aligné dans l’axe au détriment d’Olivier Giroud ?

En 2014, un certain Antoine Griezmann, qui n’avait connu sa première sélection qu’en mars, s’est imposé comme une option sérieuse lors des matchs de préparation. Il marque son premier but international lors du match nul contre le Paraguay et réussit un doublé contre la Jamaïque. Le joueur de la Real Sociedad est titulaire en ouverture du Mondial face au Honduras. Il le sera aussi face à l’Equateur et surtout en quart contre l’Allemagne.

En 2006, Franck Ribéry déboule de nulle part, ou presque, après une étincelante saison avec l’OM. Jamais sélectionné, il figure pourtant sur la liste des vingt-trois de Raymond Domenech. Il se met en évidence en provoquant un penalty face au Danemark et est à l’origine de deux des trois buts tricolores contre la Chine. Résultat, il gagne de manière fulgurante sa place de titulaire pour la Coupe du monde avec en apothéose sa performance énorme en huitième de finale contre l’Espagne.

Ribéry Espagne 2006
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En 1998, le milieu de terrain Emmanuel Petit, jusqu’alors remplaçant, se met en évidence lors du tournoi Hassan II. Le sélectionneur décide de lui faire confiance lors de la Coupe du monde. On connaît la suite : Petit rayonne dans l’entrejeu, inscrit même ses deux premiers buts sous le maillot des Bleus, dont le dernier en finale contre le Brésil.