En accédant à la présidence de l’Angola, en septembre 2017, Joao Lourenço n’a pas seulement hérité d’un système politique sclérosé au fil des trente-huit années de règne de son prédécesseur, José Eduardo dos Santos. Il s’est aussi retrouvé à la tête d’un pays qu’il avait promis, durant sa campagne, de sortir du trou économique dans lequel il se trouvait. Huit mois après son élection, le nouveau chef de l’Etat est venu en France, du 27 au 30 mai, pour tenter de convaincre les investisseurs que son pays peut redevenir une destination attractive grâce aux premières réformes entreprises, prémices à des bouleversements plus profonds.

Et qui mieux que Total pour se faire l’écho de l’état d’esprit que les nouveaux dirigeants promettent d’insuffler à la tête du deuxième producteur d’or noir d’Afrique subsaharienne ? Pour Luanda, en effet, le pétrolier français n’est pas un investisseur étranger comme les autres. Total assure 35 % d’une production pétrolière nationale qui représente 95 % des entrées en devises du pays et 70 % de ses recettes fiscales. L’inverse n’est pas vrai : en proportion, moins d’un baril sur dix extraits par Total dans le monde vient d’Angola.

Un réseau de stations-service

Lundi 28 mai, Total et la Société nationale des pétroles d’Angola (Sonangol) ont donc signé une série d’accords devant un parterre de 150 chefs d’entreprises français réunis par le Medef au Cercle de l’Union interalliée, à deux pas de l’Elysée. Cela inclut un investissement de 1,2 milliard de dollars (environ 1 milliard d’euros) pour un projet d’exploitation en eau profonde. Total et la Sonangol se sont également engagés à créer une entreprise conjointe pour développer un réseau de stations-service.

Ces projets et réalisations découlent des premières réformes poussées par le président Lourenço dans les domaines fiscal, juridique et monétaire (mise en place progressive d’un système de changes flottant, meilleurs accès aux devises…). « Nous sommes conscients que pour attirer des investisseurs étrangers, il faut améliorer le cadre des affaires et la sécurité juridiques des investissements », a reconnu le président Lourenço.

C’est au nom de la bonne gouvernance et de la rupture avec le népotisme de son prédécesseur que le nouveau pouvoir a d’ailleurs frappé le plus spectaculairement, dans le domaine pétrolier, déjà. Nommée en 2016 à la tête de la Sonangol, Isabel dos Santos, la fille de l’ancien président, a été débarquée de son poste, sans ménagement, il y a quelques mois.

Patrick Pouyanné, PDG de Total, a d’ailleurs salué « les efforts importants des autorités angolaises pour convaincre les investisseurs de réinvestir dans l’économie et dans le secteur énergétique et pétrolier de l’Angola ». « Il ne se passait plus grand-chose dans le pays », a-t-il confié. Le dernier accord d’exploration du pétrolier français en Angola – où il est présent depuis les années 1950 – remontait ainsi à 2011.

Dénationalisation de l’économie

L’apparition de stations-service Total signifiera, à son heure, non seulement l’ouverture à la concurrence dans ce secteur, mais aussi le signe de la dénationalisation de l’économie angolaise. Luanda prépare la privatisation de plus de 70 sociétés publiques, notamment des opérateurs industriels, dans les années à venir. Une loi sur la concurrence vient d’être adoptée.

L’Angola n’a pas vraiment le choix. Le pays, « pétrodépendant », a été frappé de plein fouet par l’effondrement des cours de l’or noir en 2014. Après des années de croissance économique « à la chinoise », le PIB s’est alors mis à stagner. L’augmentation ces derniers mois du prix du baril apporte certes une bouffée d’oxygène, mais le salut économique et la stabilité passeront par la diversification des ressources. « Un impératif national pour résoudre les problèmes sociaux », a concédé le chef de l’Etat angolais.

Pendant sa campagne, Joao Lourenço avait promis d’accomplir « un miracle économique » pour redresser le pays. Lundi, dans les couloirs du Cercle de l’Union interalliée, un acteur français du secteur agroalimentaire confiait, ironique, qu’il préférait « la réalité ». « Avant d’investir, ajoutait-il, j’attendrai de voir si les réformes s’inscrivent dans la continuité. »