La haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, à Bruxelles, le 28 mai. / JOHN THYS / AFP

Sauver l’accord sur le nucléaire iranien, maintenir la cohésion des Vingt-Huit, se montrer ferme à l’égard de Washington mais ne pas provoquer une confrontation : la diplomatie européenne s’affaire pour résoudre ce qui commence à ressembler à la quadrature du cercle. « Cet accord résulte de notre initiative. Si nous le perdons, c’est le signe que nous pourrions ne plus compter à l’avenir », résumait un participant au conseil des ministres des affaires étrangères, à Bruxelles, lundi 28 mai. Car, au-delà des proclamations d’unité et d’ambition, c’est la morosité qui règne.

D’abord parce que la cohésion de l’Union semble une nouvelle fois mise à l’épreuve. Les premiers signes sont, une fois encore, venus de l’Est. Jacek Czaputowicz, le chef de la diplomatie polonaise, a invité récemment ses partenaires à « prêter davantage attention » aux préoccupations sécuritaires de Washington. Lundi, M. Czaputowicz a confirmé ses réticences, et sa position paraît discrètement appuyée par d’autres capitales, dont Budapest.

La Pologne a le sentiment que « les considérations économiques ont la priorité » dans les discussions au sein de l’UE, alors qu’il conviendrait de « prendre en considération les motivations des Etats-Unis et de faire preuve d’une plus grande empathie à leur égard ». Il faut que l’UE prenne aussi en compte le rôle de la Russie en Europe de l’Est – et la protection de l’allié américain –, estime le ministre. M. Czaputowicz a cependant admis qu’il n’y avait « aucun lien direct » entre cette question et celle du nucléaire iranien…

Pressions renouvelées

Sur le plan sécuritaire, l’Union était unanime pour dire que, puisque son territoire était plus exposé que celui des Etats-Unis, l’Europe était concernée au premier chef. Avant Bruxelles, les pays européens signataires de l’accord de 2015 s’étaient réunis à Vienne, vendredi 25 mai. La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne y ont été soumis à des pressions renouvelées de la part de la délégation iranienne. Cette dernière ne s’est pas contentée d’entendre l’Agence internationale de l’énergie atomique confirmer, pour la 11e fois, que Téhéran respectait l’accord.

Pour renoncer à la relance de son programme nucléaire, suspendu en échange d’une levée progressive des sanctions internationales, l’Iran réclame des propositions économiques d’ici au 31 mai. « Pour l’instant, on négocie pour voir s’ils peuvent nous proposer un ensemble de mesures qui garantiraient à l’Iran le bénéfice de la levée des sanctions, ensuite il faudra obtenir des garanties », a déclaré le vice-ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi.

Pour Bruxelles, de telles mesures, « globales et crédibles », ne peuvent être prises dans un délai aussi bref. On juge que les propos iraniens sont essentiellement à usage interne, destinés à calmer le camp des ultraconservateurs. Et l’on promet des « idées concrètes », à la fois nationales et communautaires. « Aussi vite que possible », selon la haute représentante, Federica Mogherini.

L’examen du dossier, compliqué par les craintes des entreprises européennes qui pourraient s’exposer à des sanctions financières américaines, porte en priorité sur la manière de soustraire ces firmes à des sanctions unilatérales, d’écarter le risque d’amendes et de définir des canaux de financement alternatifs. Une modification du mandat de la Banque européenne d’investissement, pour lui permettre de soutenir des PME, reste à l’étude, comme la coopération dans divers domaines (transport, énergie, etc.). Interrogée sur la possibilité de sauver l’accord et les garanties réclamées par l’Iran, Mme Mogherini résume : « Personne ne croit que l’exercice sera facile, mais nous sommes déterminés. »

Il faut aussi répondre à l’administration Trump et au secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, qui promet d’infliger aux Iraniens « les sanctions les plus dures de l’histoire ». Selon un diplomate de haut rang :

« M. Pompeo ne nous présente pas un plan meilleur que le nôtre, ne nous explique pas comment, sans l’accord, nous pourrions nous attaquer aux problèmes régionaux ou balistiques. » Toutefois, « le dialogue se poursuit avec les Etats-Unis, qui restent un allié mais avec lequel nous avons une divergence ».

« Nous ne sommes pas avec l’Iran contre les Etats-Unis, nous divergeons sur la manière d’empêcher la bombe iranienne de voir le jour », insiste une autre source.