L’application avait été lancée à la veille de l’Euro, en 2016. / DAMIEN MEYER / AFP

L’application pour téléphone mobile SAIP (système d’alerte et d’information des populations) ne fêtera pas son deuxième anniversaire. Lancée le 8 juin 2016 à la veille de l’Euro de football, elle devait tenir informée la population par le biais de notifications en cas de danger majeur, comme un attentat ou un accident nucléaire par exemple. Critiqué à de nombreuses reprises pour ses ratés, le système sera abandonné à la fin du mois, a annoncé le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, mardi 29 mai. « Le contrat qui liait l’Etat au gestionnaire de cette application prend fin le 31 mai », a-t-il déclaré. « Cette application n’a en fait jamais marché ».

« Il fallait la laisser ouverte pour recevoir les alertes. C’était compliqué pour les utilisateurs », explique au Monde Frédéric de Lanouvelle, porte-parole du ministère de l’intérieur, évoquant 900 000 téléchargements, un chiffre jugé insuffisant. Surtout, reconnaît-il, l’application « a connu quelques dysfonctionnements ».

Lors de l’attentat de Nice, le soir du 14 juillet 2016, elle avait alerté ses utilisateurs avec deux heures de retard. Dans certains cas, elle était même restée muette, comme par exemple lors de la prise d’otages à Trèbes, en mars, ou de l’agression d’un militaire au Louvre l’an dernier. Elle avait également relayé en 2016 un canular à ses utilisateurs, évoquant un attentat dans une église à Paris qui n’avait en fait jamais eu lieu. En décembre 2017, elle avait déployé une alerte stipulant simplement « PARC EXPOSITION »… dans le cadre d’un exercice organisé par les pouvoirs publics.

Google, Facebook et Twitter en renfort

Comment, alors, alerter les citoyens en cas de crise ? « Plutôt que de créer notre outil qu’il faut connecter à tous les Français, il faut utiliser des outils existants que les gens ont déjà sur leurs smartphones », avance Frédéric de Lanouvelle. Le gouvernement a donc décidé de faire appel aux grandes plates-formes du Web que sont Google, Facebook et Twitter, qui, en cas d’événement grave, diffuseront de manière prioritaire les messages d’alerte du ministère de l’intérieur.

  • Google mettra ainsi en avant les communications du ministère de l’intérieur lorsqu’un internaute recherchera des mots-clés liés à un événement dangereux en cours, comme le lieu ou le mot « attentat ».
  • Facebook relaiera le cas échéant les messages du ministère de l’intérieur lorsqu’un événement déclenchera l’apparition, dans le réseau social, d’un safety check (« vérification de sécurité »). Le safety check est la propre fonctionnalité d’alerte du réseau social, qui permet aux internautes de faire savoir qu’ils se trouvent en sécurité pour rassurer leurs proches. Des informations sur la crise en cours y sont aussi diffusées – celles du ministère y seront donc affichées.
  • Côté Twitter, les messages d’alerte officiels seront mis en avant en haut du fil de tous les utilisateurs français. Parallèlement, un nouveau compte, @Beauvau_Alerte, a été activé le 1er juin. Il sera exclusivement consacré à ces alertes. Les utilisateurs pourront paramétrer leur application de manière à recevoir chaque message de ce compte comme une alerte sur leur téléphone.

D’autres entreprises relaieront aussi ces messages, comme la RATP, Vinci Autoroutes, Radio France ou encore France Télévisions, par différents moyens, comme des panneaux d’affichage, applications, ou encore par leurs comptes sur les réseaux sociaux.

SAIP, « un échec »

Le porte-parole du ministère de l’intérieur se félicite : « Cela va augmenter notre capacité à communiquer vite et au plus grand nombre. » Au risque d’accroître la dépendance de l’Etat aux grandes entreprises du numérique ? « Notre priorité est d’alerter des gens si des vies sont en danger », répond Frédéric de Lanouvelle, en soulignant que ce partenariat ne comprend aucun accord financier.

« On a choisi le canal le plus connecté à la population. Après, ce dispositif est amené à évoluer, si de nouveaux systèmes le rendent plus indépendant, tant mieux. Mais là, c’est déjà un beau progrès par rapport à SAIP. »

L’an dernier, un rapport sénatorial avait estimé que le système national d’alerte de la population en cas d’événement grave était « obsolète », citant notamment les défaillances de l’application SAIP, jugée « imparfaite ». Les auteurs du rapport avaient notamment rappelé qu’elle avait été développée « dans l’urgence, ce qui a nui à la qualité du produit final ».

Frédéric de Lanouvelle le reconnaît : cette application représente aujourd’hui « un échec ». « Mais est-ce qu’il fallait ne pas la faire ? Je ne suis pas sûr que la réponse soit oui. Ça a été tenté. Ça n’a pas ruiné le pays non plus. Ça a permis de réfléchir à la gestion de l’information en temps de crise. Ça n’a certainement pas servi à rien. Mais si ça avait été un succès, on aurait resigné. »