Le 22 septembre 2017, vue aérienne du quartier de Juana Matos après le passage de l’ouragan Maria sur la ville de Catano à Puerto Rico. / RICARDO ARDUENGO / AFP

L’ouragan Maria a tué 4 645 personnes en 2017 à Porto Rico, un bilan près de 73 fois supérieur aux chiffres officiels communiqués par les autorités – 64 morts –, selon une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’université de Harvard (Etats-Unis). Tout en prévenant que leur propre bilan pourrait être lui-même sous-estimé, ils soulignent que le nombre qu’ils avancent témoigne du désintérêt du gouvernement pour Porto Rico.

Ces derniers, qui ont interrogé des milliers d’habitants du territoire américain, ont établi que la plupart des victimes sont décédées entre le 20 septembre et le 31 décembre, soit dans les trois mois ayant suivi la catastrophe, qu’elles aient été directement ou indirectement tuées par le phénomène climatique. Le taux de mortalité a bondi de 62 % par rapport à la normale, selon eux, notamment car nombre d’habitants, privés d’électricité, d’eau, de téléphone ou de transport, n’avaient plus accès aux soins.

Le gouvernement de Porto Rico, conscient de l’irréalisme des chiffres officiels, avait chargé en février une équipe de l’Université George Washington de conduire une étude similaire. Il n’a pas contesté les résultats publiés mardi. « Nous nous sommes toujours attendus à ce que le bilan soit supérieur à ce qui a été annoncé initialement », a réagi Carlos Mercader, directeur de l’administration des affaires fédérales de l’île. L’étude commanditée sera publiée « bientôt », a-t-il ajouté.

Une « vraie catastrophe » comme l’ouragan Katrina

Maria a frappé Porto Rico le 20 septembre, lors d’une saison 2017 record pour les ouragans. Immédiatement, le réseau électrique avait été coupé. Les routes également. Le chaos s’est installé jusque dans les villes, et le gouvernement fédéral américain avait été critiqué pour la lenteur de sa réaction, qui tranchait avec la haute priorité assignée par le président Donald Trump au Texas et à la Louisiane, frappés à la même période par un autre ouragan, Harvey.

Porto Rico, située juste à l’est de l’île de Saint-Domingue en mer des Caraïbes, ne fait pas partie des 50 Etats américains, mais est l’un des cinq territoires appartenant aux Etats-Unis. Ses trois millions d’habitants ont la citoyenneté américaine, mais ne sont représentés par aucun élu au Congrès.

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Le bilan des autorités locales avait rapidement été ridiculisé. Une étude des actes de décès par The New York Times avait par exemple conduit à plus de 1 000 morts dans les 40 jours suivant l’ouragan. La confirmation que des milliers de personnes étaient mortes a relancé la controverse politique sur la lenteur des opérations de secours et de réparation menées par le gouvernement fédéral. Le président avait dit, lors d’une visite sur place en octobre, que l’île pouvait être « fière » de n’avoir pas subi des centaines de morts comme lors d’une « vraie catastrophe » comme l’ouragan Katrina en 2005 – à l’époque, le bilan officiel était de 16 morts.

84 jours sans électricité, 64 jours sans eau

Pour obtenir un bilan réaliste, les chercheurs ont organisé l’équivalent d’un recensement partiel en janvier et février. Ils ont frappé à 3 299 portes, sur l’ensemble de l’île, selon un échantillon représentatif, et demandé si des personnes des ménages choisis étaient décédées entre le 20 septembre et le 31 décembre 2017. Les résultats ont permis d’établir un taux de mortalité de 14,3 morts pour 1 000 personnes à cette période.

Les chercheurs expliquent en outre que leur estimation est probablement basse, pour une raison simple : ils n’ont pas pu comptabiliser les personnes vivant seules qui sont mortes, car elles n’ont par définition pas pu répondre au sondage. Avec elles, le bilan pourrait dépasser 5 000 morts.

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Ils ont trouvé qu’en moyenne, les habitants avaient passé 84 jours sans électricité, 64 jours sans eau, et 41 jours sans réseau téléphonique mobile. Dans les zones les plus isolées, 83 % des ménages ont vécu sans électricité pendant toute la période étudiée, soit plus de trois mois. Près d’un tiers de tous les ménages a rapporté avoir vu leur traitement médical interrompu, ne pouvant plus acheter leurs médicaments. D’autres ne pouvaient plus faire fonctionner leurs appareils d’aide respiratoire, faute d’électricité. De nombreux centres de santé et cliniques avaient dû fermer, et nombre de médecins étaient introuvables ou ne pouvaient plus se déplacer.