« Bloodstained: Curse of the Moon » est un hommage appuyé à la série « Castlevania », par l’un de ses anciens auteurs.

Il y aura des chandeliers, des vitraux gothiques, des goules inquiétantes ; des chauve-souris vengeresses, des hydres géantes, des golems menaçants. Des musiques chiptunes, des effets visuels pixelisés, et peut-être aussi des Choco BN et du Banga sur la table. On serait assis en tailleur devant le poste de télévision du salon, sur la Nintendo NES familiale. Ce serait hier, mais en fait, c’est aujourd’hui.

Bloodstained: Curse of the Moon Trailer - Nintendo Switch
Durée : 02:33

Faux vétéran, vrai hommage

Bloodstained: Curse of the Moon, lancé jeudi 26 mai sur PC et consoles, est un voyage au temps des consoles 8-bits, un hommage au jeu vidéo des années 1980, et une ode à l’une des sagas cultes de cette époque, Castlevania. L’histoire d’une lignée de chasseurs de vampires arpentant des châteaux maléfiques et des donjons piégeux pour lutter contre le comte Dracula, tombée depuis en désuétude, sauf dans l’affection des joueurs trentenaires et la mémoire de ses concepteurs.

Derrière ce Bloodstained, rien moins que Koji Igarashi, ponte créatif de Symphony of the Night, considéré comme le meilleur épisode de la série. On pourra ironiser sur le fait que « Iga », comme on le surnomme, n’a, en réalité, jamais développé d’épisode sur NES, la console 8-bits de Nintendo dont Curse of the Moon reprend l’esthétique et la plupart des limitations techniques (Symphony of the Night est sorti en 1997 sur PlayStation).

Le héros de « Bloodstained: Curse of the Moon », Zangestu, a parmi ses coups spéciaux un fouet à la manière de Simon Belmont dans le premier « Castlevania ». / INTI CREATES

On pourra ironiser également sur le fait que cet étonnant créateur japonais, perpétuellement vêtu d’un chapeau de cow-boy parce qu’un confrère lui a un jour reproché de ne pas le porter, s’est lancé dans cette aventure moins par goût personnel pour le gothique que pour plaire à ses fans et contributeurs financiers, sur la plate-forme collaborative Kickstarter. Bloodstained: Cursed of the Moon est d’ailleurs le jeu bonus que M. Igarashi avait promis de réaliser si sa campagne de financement participatif pour Bloodstained: Ritual of the Night, son projet principal, était une réussite, ce qui fut le cas.

Duck-vania-gaman

Tout cela est vrai. Et de fait, Bloodstained: Curse of the Moon n’est pas un jeu d’auteur. C’est tout le contraire : la production d’un serviteur soucieux de satisfaire coûte que coûte sa communauté, et ce, avec brio.

Cette malédiction de la lune, comme l’indique son nom, joue à la perfection une partition déjà connue, celle du jeu d’action 8-bits, en suivant avec religiosité les qualités qui en font le charme – cette fascinante horlogerie où se répondent rythme, densité et précision.

Pluie de sang, nuées de chauves-souris ou encore jets de feu : chaque boss marie clacissisme et originalité dans ses attaques. / INTI CREATES

Sans jamais s’aventurer hors des chemins battus du genre, elle brille par sa bande-son chiptunes enlevée et envoûtante, ses ambiances dépaysantes, son bestiaire fascinant, son quatuor de héros complémentaires, son architecture malicieuse, son rythme entraînant, sa mise en scène sobre et réussie.

Meilleur NES de 2018

Durant huit niveaux compacts, il promène ainsi le joueur à travers caves humides et grottes glacées, pyramides piégées et bibliothèques hantées. Des plates-formes apparaissent et disparaissent ; des griffons, des golems, des archers et des chevaliers géants veillent ; des escaliers montent ou descendent ; des tapis roulants ralentissent ou propulsent ; des monstres colossaux gardent des salles ; des portes dérobées mènent sur des trésors cachés.

Il y a dans Curse of the Moon non seulement du Castlevania, pour l’ambiance, l’enrobage et ses armes iconiques, mais aussi du Megaman, pour le level design retors et inventif, et du Duck Tales, pour l’exploration qu’il propose et les trésors qu’il cache.

A la manière de Megaman, « Bloodstained: Curse of the Moon » joue habilement de la variété des niveaux, des ennemis et des compétences. / INTI CREATES

C’est aussi un jeu qui, tout en se revendiquant d’une époque, aime souvent à la sublimer, en jouant par exemple sur des effets tardifs, comme les décors animés sur plusieurs plans, à la manière de Batman: Return of the Joker en 1991. Elle se fend également de quelques effets de lumières ou de rotation inattendus. Sans sortir du registre nostalgique du pixel art, elles relèvent cette recette à l’ancienne d’épices encore inconnues à son époque.

Montre à gousset du jeu vidéo

C’est que d’une manière générale, Bloodstained: Curse of the Moon n’est ni un remake, ni une suite officieuse aux Castlevania d’antan. C’est davantage un jeu conçu pour coller à l’image que les joueurs se font des Castlevania d’antan, émondé de leur rigidité, de leurs ralentissements et de leur aridité d’époque.

Certains pourront d’ailleurs lui reprocher de ne durer que deux petites heures, quand bien d’autres la remercieront de ressusciter cette saveur d’antan dans un format désormais compatible avec une vie d’adulte trop occupée pour les longues sessions d’autrefois.

« Bloodstained: Curse of the Moon » va bien plus loin qu’un simple jeu de 1986. S’il était sorti sur NES, ç’eut été l’un des plus ambitieux de la console. / INTI CREATES

Un cheminement moins linéaire, une difficulté plus adaptable, une réalisation plus flatteuse, finissent d’offrir à ce bijou d’orfèvrerie à l’ancienne – sorte de montre à gousset du jeu vidéo – les molletons de la modernité. Sortez les Choco BN, et faute de Banga, du Yop fera bien l’affaire.

En bref

On a aimé :

  • l’ambiance rétro, pulp et gothique ;
  • des niveaux à tiroir à découvrir en plusieurs fois ;
  • meilleur jeu NES depuis Shovel Knight.

On n’a pas aimé :

  • l’attitude d’Adrien Rabiot ;
  • (c’est tout).

C’est plutôt pour vous si...

  • vous avez peu de temps pour replonger en enfance ;
  • vous n’arrivez pas à re-rentrer dans vos anciens jeux NES.

Ce n’est pas pour vous si...

  • vous cherchez le Dark Souls des jeux NES ;
  • vous n’appréciez pas les jeux courts ;
  • vous êtes le détenteur officiel de la licence Castlevania.

La note de Pixels :

1990 / 1991