Pendant presque une décennie, il était sur la photo celui qui posait juste à côté du « big four » sans jamais être au centre. Comme un David Ferrer, Tomas Berdych a eu la malchance d’être un contemporain des Federer, Nadal, Djokovic et Murray. A 32 ans, le Tchèque amorce depuis quelques mois un inévitable déclin. Sorti d’entrée à Monte-Carlo, Madrid et Rome, l’actuel 20e mondial, a connu pareille fortune à Roland-Garros, éliminé mercredi par Jérémy Chardy, 86e (7-6, 7-6, 1-6, 5-7, 6-2) pour le plus grand plaisir des spectateurs du central Philippe-Chatrier.

C’est donc évidemment au Français que les spectateurs avaient réservé leur ovation, après quatre heures et treize minutes d’un match disputé sur deux jours, au scénario antinomique. Premier acte : mardi soir. Le Français remporte les deux premiers sets au tie-break (7-6 [7/5], 7-6 [10/8]) avant d’être stoppé dans son élan par les ténèbres et l’orage qu’elles précèdent. Les deux joueurs quittent le terrain à égalité (1-1) dans le troisième.

Deuxième acte, donc, ce mercredi midi. Chardy déjoue, Berdych rejoue. Et le public du court Philippe-Chatrier, gonflé la veille au soir, a cette fois le ventre vide. Il déserte les tribunes, à peine garnies à moitié. Sur le terrain, le Palois ne fait rien pour lui faire oublier ses triviales préoccupations, enchaînant les fautes directes sans éclair de lucidité (aucune balle de break convertie, contre un carton plein pour Berdych). Percutant, le Tchèque, demi-finaliste en 2010, sert le plomb et s’adjuge la troisième manche 6-1.

« Les dents qui tremblent »

Le trou d’air se poursuit pour Chardy dans le quatrième. Berdych va jusqu’à mener 5-3 et se procure une balle de set. Mais le Français s’accroche et recolle à 5-5. Las, le Tchèque se procure deux balles de break au jeu suivant, et convertit la deuxième. En face, le Français reste de longues secondes scotché à la trace de la balle qui vient de mordre la ligne, persuadé que la marque est dehors.

Deux sets partout, tout est à refaire. « Allez Jérémy, accroche-toi, n’y pense plus ! », lui lance un spectateur. Manifestement rassasié, cette fois, le public est prêt à se réveiller. Il est grand temps. Chardy le sent. Il retrouve instantanément son réalisme et son coup droit avec : pour la première fois du deuxième acte, il prend les devants, et fait douter son adversaire, qui balbutie en servant. Sur un coup droit décroisé qui prend de vitesse Berdych, le Français s’offre une balle de match. Et malgré « les dents qui tremblent », il ne flanche pas.

Au micro de Fabrice Santoro, il a concédé une grande fébrilité :

« J’étais très nerveux aujourd’hui. Quand je suis revenu sur le court, le match a complètement changé, mais je me suis battu, à la fin, y avait tout qui tremblait mais ça l’a fait, je suis très heureux. A deux sets partout, dans la tête c’est dur, physiquement aussi, merci encore pour le soutien aujourd’hui. »

Le Français, qui restait sur deux défaites au premier tour aux Challengers de Bordeaux et d’Aix-en-Provence, peut être doublement satisfait. En treize participations, c’est la première fois qu’il dompte le central de Roland. Il n’est jamais trop tard pour commencer.