Photo prise par le Ménilmontant Football Club, le 22 mai, lors du 1er tour de la Coupe de France. / DR

Petit à petit, la pression monte. Le Ménilmontant Football Club (MFC 1871) a un programme chargé ce week-end : pendant trois jours, à partir de vendredi, un hommage politique va être rendu à Clément Méric, militant antifasciste mort il y a cinq ans à la suite d’une bagarre avec des membres de groupuscules néonazis. Le MFC 1871 en sera. Rencontres internationales, concert, manifestation contre la loi asile et immigration… et surtout un match de deuxième tour de la Coupe de France contre Argenteuil, dimanche 3 juin. « C’est la première fois que l’on passe un tour [après la victoire le 22 mai contre le CS Ternes]», rappelle Greg, l’un des joueurs, qui promet que l’équipe « va tout donner ».

Le MFC 1871 est un club un peu spécial, une sorte d’ovni dans le monde du football amateur : il revendique haut et fort sa nature antifasciste. Le logo arbore un bateau pirate avec une voile rouge et une voile noire − les couleurs « antifas » − et le 1871 est une référence à la Commune de Paris. Et pour raconter l’histoire de ce jeune club (né en 2014), qui évolue en 3e division de district (soit la 13e division), rendez-vous est donné au Saint-Sauveur, bar du 20e arrondissement de Paris, point de ralliement d’une bonne partie de la gauche extraparlementaire. « Ménilmontant, le Saint-Sauveur, ce sont des lieux où depuis plus de dix ans le milieu antifa se retrouve, avance Flavien, 31 ans, un des piliers du club. On a une identité populaire, antifasciste, contre le football moderne. » Lui, est arrivé au MFC 1871 par le supportérisme. « J’étais un ultra d’Auteuil. Après la répression [le plan de sécurisation du Parc des Princes, dit « plan Leproux », en 2010], j’ai suivi ma démarche politique et sociale et je me suis retrouvé dans le projet du MFC », continue-t-il, attablé sous une bannière de la Brigada Flores Magon, groupe de punk rock fondé par Julien Terzics, ancien leader des redskins parisiens et gérant du Saint-Sauveur.

« Love football, hate fascism »

Le club est né il y a quatre ans, un peu par hasard. « C’était une idée collective. On était une bonne bande de footeux et on sentait qu’il y avait un potentiel car un tel club n’existait pas, se souvient Hadrien, 23 ans, à l’époque membre de l’Action antifasciste Paris-banlieue (AFA). On en avait marre du militantisme classique, c’était toujours la même chose, toujours les mêmes personnes. On voulait agréger des gens qui n’étaient pas militants. » Greg, 29 ans et joueur de l’équipe, abonde : « On veut faire venir à la politique des gens qui sont que dans le foot. »

Dans son « acte de naissance », un texte publié sur Internet, on peut lire : « Le MFC se place en opposition aux réalités actuelles du football moderne telles que l’omniprésence de l’argent, l’hypersécurisation des stades ou la répression des supporters. Au-delà de notre amour pour ce sport, nous sommes des femmes et des hommes, uniEs par le rejet de toutes les discriminations basées sur le genre, l’origine sociale, la religion ou encore l’orientation sexuelle ». Avec un slogan : « Love football, hate fascism ». Récemment, ils ont organisé un match amical contre une équipe de migrants et sont allés distribuer des vêtements pour des réfugiés. Ils sont aussi allés dans des ZAD (zones à défendre), ont fait des caisses de grève pour les postiers et les cheminots… « On essaye de dépasser le football », résume Hadrien.

« Modèle alternatif »

Plus qu’un club, donc, le MFC se veut une sorte de vitrine d’un « modèle alternatif » et des principes libertaires que ses fondateurs défendent. Il fait partie d’une « contre-culture » antifa qui a pour cœur Ménilmontant, avec ses points de ralliements, sa musique, ses codes vestimentaires, et, donc, son équipe de foot. Une organisation qui rappelle le FC Sankt Pauli, qui agrège tout ce que la ville de Hambourg compte de militants antifascistes et évolue en deuxième division allemande. Mais les militants de Ménilmontant se reconnaissent davantage dans d’autres expériences en Europe, notamment en Italie. « Il y a par exemple une équipe de Florence, le Centro strorico Lebowski, qui nous inspire beaucoup, souligne Mirko, un Italien de 32 ans. On veut montrer qu’une autre voie est possible. »

Le MFC 1871 − « 32 licenciés et 100 adhérents » − est « autogéré » et « autofinancé ». Toutes les décisions sont votées, et le budget annuel d’environ 4 000 euros provient des cotisations, des adhésions et de la vente de matériel (autocollants, tee-shirts) ou encore l’organisation d’événements, le club refusant les subventions. Pendant les deux premières années, l’autogestion allait jusqu’à l’absence d’entraîneur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Problème pour eux : ils n’ont pas de stade parisien et jouent à Bobigny.

En manque de moyens, le MFC axe l’essentiel de sa communication sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, où leur page est très active. « On essaie de publier au moins deux posts par jour », confirme Flavien. Un peu moins de 6 000 personnes « aiment » cette page ce qui a fait entrer le MFC dans « le top 10 des clubs franciliens », selon Flavien, derrière, entre autres, le PSG, l’US Créteil Lusitanos ou le Red Star.

Difficile, d’ailleurs, de sortir de l’ombre de cet encombrant voisin. Le club séquano-dionysien, de retour en Ligue 2 la saison prochaine, capte toute la lumière avec son image d’équipe politique : il est du dernier chic de se dire supporteur du Red Star quand on est Parisien, personnalité politique ou les deux.. Si le MFC n’est pas proche − loin s’en faut − des dirigeants du Red Star, les ultras du club de Saint-Ouen se réclament également de la lutte antifasciste et entretiennent des liens avec le MFC.

Pour l’instant, arriver en Ligue 2 comme le Red Star est un rêve inaccessible pour le MFC. Leurs objectifs restent modestes : avoir un stade où jouer aux portes de Paris, qui pourrait être un lieu « propice aux rencontres ». Et surtout, atteindre le 3e tour de la Coupe de France.