Photo d’illustration / Flickr (CC BY 2.0)

Depuis le 22 mai, des centaines de milliers de candidats à l’enseignement supérieur reçoivent, au fil de l’eau, les propositions d’admission des formations auxquelles ils ont postulé sur la plate-forme Parcoursup. L’association Droits des lycéens, qui dénonce depuis 2016 « l’opacité » de la procédure d’accès à l’enseignement supérieur, avait obtenu à ce titre la publication d’une partie de l’algorithme APB (Admission post-bac). Qu’en est-il de la sécurité juridique et de la transparence de la nouvelle plate-forme ? Le Monde a posé la question à Me Merlet-Bonnan, l’avocat de l’association.

  • En publiant le 21 mai le code source de l’algorithme de Parcoursup, le ministère s’est félicité de son exercice de transparence. Comment accueillez-vous cette annonce ?

Me Merlet-Bonnan : Nous accueillons positivement cette publication. Le gouvernement fait preuve d’un peu plus de transparence que ses prédécesseurs. Cependant l’intérêt de cette publication est selon nous limité, dans la mesure où le code source publié est celui de l’algorithme national, un traitement automatisé secondaire, qui ne fait que modifier à la marge les classements déjà effectués par les formations afin d’y intégrer un certain pourcentage de boursiers ou de candidats hors académie.

Depuis la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), le rôle de cet algorithme national est en effet moindre car il y a eu un transfert de responsabilité. Les établissements sont devenus les principaux acteurs de la sélection. Il faudrait donc publier les critères précis qu’ils utilisent, eux, pour classer les candidats, et les algorithmes locaux qu’ils ont pu mettre en place pour procéder à ces classements.

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  • APB avait vu se multiplier les recours d’étudiants devant des tribunaux administratifs. Du point de vue du droit, Parcoursup est-il plus sûr que son prédécesseur ?

Pour les années antérieures, en ce qui concerne APB donc, aucun texte réglementaire ne prévoyait légalement la mise en place d’une sélection, d’un traitement automatisé sélectif ou du tirage au sort à l’entrée des filières universitaires en tension. De ce point de vue Parcoursup est beaucoup plus encadré juridiquement que ne l’était APB, entre autres grâce à la loi ORE. Mais l’outil mérite quelques perfectionnements avant d’arriver à une sécurité juridique et à une vraie transparence pour les étudiants.

Toutes les décisions administratives (parmi lesquelles se trouvent le refus ou l’acceptation des universités) doivent être fondées sur des critères objectifs arrêtés par l’administration et motivées en droit et en fait.

De plus, au regard du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) européen, entré en application le 25 mai, mais aussi d’un récent avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), les décisions administratives prises à partir d’un traitement automatisé doivent aussi être « transparentes ». Or en l’absence d’avis de la CNIL validant ces traitements locaux, et de publication des critères locaux des formations, des étudiants seraient en droit de douter de la régularité de la sélection.

  • Mais le ministère a fait inscrire dans la loi ORE le « secret des délibérations » des jurys et des commissions d’examen des vœux des candidats…

Effectivement, lors du vote de la loi ORE au Sénat, en février, le gouvernement a fait passer in extremis un amendement pour protéger le secret des délibérations de ces commissions. Cela ne pose pas en soi de difficulté, car on peut comprendre que les prises de parole ou les points de vue des membres de jury soient protégés lorsqu’ils discutent du dossier des candidats.

En revanche la communication des critères précis qui ont permis de sélectionner ou de présélectionner les dossiers des candidats dont ils discutent apparaît comme un impératif. Comment les différents critères du dossier de l’élève sont-ils pondérés ? Comment l’ensemble des informations fournies par le candidat (notes, appréciations du chef d’établissement, etc.) sont-elles utilisées ?

L’étudiant est en droit de solliciter à tout moment la motivation d’une décision administrative, telle que le refus de sa candidature, ou les raisons de son placement en liste d’attente. Le règlement général sur la protection des données personnelles offre par ailleurs un nouveau fondement juridique pour demander des comptes quant au traitement et à la sélection pratiquée localement par l’établissement, souvent à l’aide de l’outil de la plate-forme Parcoursup.