Roman Torres / Maxime Beaugrand — Le Monde

  • Calendrier :

18 juin : Belgique-Panama (17 heures, à Sotchi)

24 juin : Angleterre-Panama (14 heures, à Nijni Novgorod)

28 juin : Panama-Tunisie (20 heures, à Saransk)

  • Historique en Coupe du monde :

Première participation.

  • L’équipe qui devrait jouer :

Jaime Penedo - Fidel Escobar, Roman Torres, Luis Ovalle, Adolfo Machado - Anibal Godoy, Gabriel Gomez, Alberto Quintero, Edgar Barcenas - Blas Perez, Gabriel Torres

  • Leur petit nom :

La Marea Roja (« la Marée rouge ») ou Los Canaleros, le surnom des Panaméens en Amérique latine.

  • Le Sélectionneur :

Hernán Darío Gómez, 62 ans, ce Colombien a été l’assistant dans son pays du mythique « Pacho » Maturana (et son football toque) au début des années 90. Il est en poste au Panama depuis 2014.

Bilan de compétences

Pourquoi postulez-vous à cette Coupe du monde ? « Nouvel entrant dans le monde professionnel, je pense toutefois avoir les bases footballistiques nécessaires pour tenir mon rang dans cet environnement exigeant et m’améliorer au contact des meilleurs. »

De quelle expérience pouvez-vous vous prévaloir ? « Je reconnais que mon CV comporte un trou considérable. Mais c’est parce que j’ai passé du temps à me perfectionner dans des entreprises de moindre envergure, comme la Coupe Union centroamericana de fútbol ou la Gold Cup, afin d’être prêt quand j’accéderais au niveau supérieur. »

Si vous deviez nous donner trois qualités ? « Je ne m’avoue jamais vaincu, en témoigne ma qualification à la 88e minute d’un match couperet. Comme venir en Russie était déjà mon objectif professionnel, je n’ai rien à perdre et je vais jouer complètement libéré. Enfin, je suis la patrie de Julio Cesar Dely Valdes. Les Parisiens comprendront. »

Et trois défauts ? « Avec des joueurs évoluant essentiellement en championnats sud-américains de seconde zone, je n’ai pas le niveau technique ou physique de la plupart des équipes. Des carences qui m’obligent à jouer avec un bloc de cinq défenseurs et de compter sur des fulgurances ou des coups de chance pour rester dans le match. »

Roman Torres en cinq dates

RODRIGO ARANGUA / AFP

1903 : fin de la guerre de Mille Jours avec la Colombie et création de l’Etat du Panama, après plusieurs tentatives d’indépendance et d’autodétermination. Cette fois, l’aide des Etats-Unis a fait la différence. Roman Torres n’est pas encore né.

1914 : inauguration du canal de Panama après trente-trois ans de travaux. La France, présente au début du projet, est écartée. Les Etats-Unis récupèrent la terre, et l’exploitation du canal, jusqu’en 1979. Roman Torres n’est toujours pas né.

1983 : Apogée de la dictature de Manuel Noriega, Panaméen le plus tristement célèbre hors des frontières. Pendant les années 1980, il mangera à plusieurs râteliers, et notamment chez les deux grands voisins auxquels le Panama est inextricablement lié : les Etats-Unis (la CIA) et la Colombie (les narcotrafiquants).

20 mars 1986 : Naissance de Roman Torres, dit « El Mazinger », attaquant pivot reconverti en solide défenseur central. Sa modeste carrière l’emmènera, comme tout bon Panaméen, aux Etats-Unis (Seattle Sounders de la MLS) et en Colombie (Atletico Nacional et Millionarios).

10 octobre 2017 : 88e minute d’un match décisif contre le Costa Rica, le score est 1-1, le Panama est, comme toujours, éliminé de la Coupe du monde. On ne sait comment, ni pourquoi, Torres se retrouve avant-centre et marque le but de la victoire. Il devient un héros national. Au pays, sa silhouette dreadlockée est omniprésente, du niveau de l’affiche « Hope » d’Obama en 2008.

Figurez-vous Arsène…

… que Julio Cesar Dely Valdes (JCDV), que l’on connaît bien en France, puisqu’il a joué au PSG entre 1995 et 1997, a entraîné son pays entre 2010 et 2014 aux côtés de son frère jumeau, Jorge Luis Dely Valdes (JLDV), qui était son assistant. Les deux techniciens se ressemblaient tellement que la presse avait recours à un vade-mecum pour les reconnaître : JCDV avait un accent légèrement espagnol, du fait de ses années passées à Oviedo et Malaga, et préférait les couleurs clinquantes. JLDV était plus réservé, et apparemment un peu plus maigre aussi.

Le jour où…

… le Panama se qualifie pour la Coupe du monde grâce à un but fantôme. 10 octobre 2017, stade Rommel Fernández Gutiérrez de Panama City. Le Costa Rica, déjà qualifié, joue le Panama pour le dernier match de qualifications. Les locaux doivent gagner pour les rejoindre en Russie. Le stade est plein, les feux d’artifices prêts. Tout commence très mal : les Costaricains marquent à la 36e. A la 53e, corner côté droit, cafouillage dans la surface costaricaine. Le Panaméen Blas Perez se jette sur le ballon qui rebondit sur le poteau et ressort. Le ballon n’a jamais franchi la ligne, il ne l’a même pas effleuré, mais l’arbitre accorde l’égalisation. Un deuxième miracle, en fin de match, scellera la qualification historique.

Au Panama, on ne débattra pas de ce « gol fantasma ». On se fout de savoir si le but était ou non valable, l’essentiel est d’être qualifié. Cette façon d’appréhender un but illégal, mais crucial, diffère de celle de la France après la main d’Henry pendant les qualifications de la Coupe du monde 2010. Chez les uns, ça provoque un débat national plein d’autoflagellation. Chez les autres, on pleure en direct et le président décrète un jour férié et une fête nationale.

Dely Valdes et Raï à l’entraînement avec le PSG avant la finale de Coupe des Coupes (perdue) contre Barcelone en 1997. / PASCAL PAVANI / AFP

Big Data

3. Le Colombien Hernán Darío Gómez a qualifié trois pays différents pour une phase finale de Coupe du monde : le Panama, l’Equateur en 2002 et la Colombie en 1998. Le seul autre entraîneur dans ce club restreint ? Feu Henri Michel, qui l’a fait quatre fois (France 1986, Maroc 1998, Tunisie 2002, Côte d’Ivoire 2006).

Le wiki de qui

Mon frère est parti tenter sa chance comme footballeur à l’ouest. J’ai préféré le faire à l’est, passant l’essentiel de ma carrière dans la naissante ligue japonaise avant de revenir au pays, et jouer mes derniers matchs avec mon frère dans notre club formateur.

Plateau télé

Les mauvaises langues diront que la gastronomie panaméenne n’est qu’une pauvre copie de celle de ses voisins : du riz, des haricots, un sancocho colombien ou un ceviche péruvien refaits à la sauce locale. Il y a quelques originalités culinaires pour un match de la Marea Roja : de la yuca frite, des cachapas (petites tartes de maïs remplies de fromage blanc) et un petit shot de Seco Herrerano, alcool de canne à sucre qui chasse les moustiques.