Malgré les nombreuses mesures restrictives mises en place par le Kremlin, un air festif se répand petit à petit en Russie qui accueille la Coupe du monde 2018 de football. Ici, la mascotte du Mondial devant le manège de Moscou, le 31 mai. / MAXIM SHEMETOV / REUTERS

Un petit air festif se répand en Russie qui s’apprête à accueillir sur son sol, du 14 juin au 15 juillet, la première Coupe du monde de football de son histoire. L’enjeu n’est pas mince et rappelle à certains un peu de l’effervescence qui s’était emparée du pays à l’époque soviétique, lorsque en 1980, quoique boycottés, les premiers Jeux Olympiques d’été y avaient été organisés.

Les onze villes russes sélectionnées pour accueillir les matches – et les supporteurs – se parent ainsi de fresques à la gloire du ballon rond mais aussi d’affiches publicitaires (« Tu es dans le jeu ! »), sponsorisées par des banques. Un peu moins joyeux, toutefois, est le « régime spécial » sous lequel elles viennent d’être placées sur décret de Vladimir Poutine.

Couplé avec une loi préparée très en amont, l’oukase signé le 9 mai par le chef du Kremlin a donné le coup d’envoi pour la mise en œuvre, qui a débuté le 25 mai et pour une période susceptible de se poursuivre jusqu’au 25 juillet, de toute une série d’interdictions. Pêle-mêle : restriction des entrées de séjour temporaire et/ou de résidence (les travailleurs migrants d’Asie centrale sont particulièrement concernés) ; suppression de toute manifestation ou événement sur la voie publique (en dehors du sport) ; limitation du transport aérien, routier ou maritime dans certaines zones (à l’exclusion des lignes régulières, les bus ne peuvent ainsi plus pénétrer dans les onze villes hôtes sauf à être équipés du « Glonass », le système de navigation satellitaire russe).

« Comment va changer la vie des Russes pendant la Coupe du monde ? Tout sera interdit. Ni manifestation ni vodka »

Il faut y ajouter l’éradication des chiens et des chats errants ; la mise à l’arrêt forcée de toute activité « polluante » dans un rayon de 100 kilomètres pour des centaines de sites industriels, raffineries, usines chimiques ou d’armement ; la mise en place d’unités spéciales, en relation avec le ministère de la défense, chargées d’abattre n’importe quel drone en approche autour des stades ; ou bien encore, ce curieux message, déjà audible dans le train rapide entre Moscou et Saint-Pétersbourg, selon lequel « la circulation des armes, munitions, explosifs et autres agents spéciaux ou toxiques » est prohibée.

Parmi les mesures qui prendront effet durant le Mondial, Vladimir Poutine souhaite empêcher la prolifération de nombreux insectes. / ILYA NAYMUSHIN / REUTERS

« Les criquets n’arriveront pas jusqu’aux terrains de foot », a rassuré, pour sa part, le ministère de l’Agriculture, cité par le journal Novaïa Gazeta, après une alerte à l’invasion de ces insectes dans certaines régions du pays, ou l’état d’urgence a été déclaré. A Volgograd, dans un rayon de quinze kilomètres autour du stade, le territoire a été traité pour repousser les assauts redoutés de moustiques. Selon l’équipe locale de l’opposant Alexeï Navalny, dans la région de Saratov, le niveau de la Volga aurait même été abaissé de trois mètres afin d’assécher des marécages et d’empêcher ainsi la reproduction des moustiques. Au risque de menacer les récoltes.

La vente de boissons alcoolisées sera encadrée

Pas de microbes non plus : deux semaines avant le début des événements, les cuisiniers aux fourneaux devront passer des tests sanitaires, et les quinze mille bénévoles mobilisés être à jour de vaccins. Plus classiquement, la vente de boissons alcoolisées sera encadrée et le prix des loyers et cessions immobilières a flambé. En principe, cependant, les tarifs des nuitées d’hôtel sont plafonnés : 50 euros maximum pour les établissements non cotés, 100 euros pour un deux-étoiles, et jusqu’à 8 000 euros pour les palaces de grand luxe. Enfin, tout contrevenant aux règles s’exposera à des pénalités douloureuses, surtout s’il revend à la sauvette un précieux billet de match…

« Comment va changer la vie des Russes pendant la Coupe du monde ? Tout sera interdit. Ni manifestation ni vodka, prévenait, il y a quelques semaines, le quotidien Moskovski Komsomolets. Les lecteurs les plus âgés se rappellent bien les JO d’il y a trente-huit ans, lorsque les rues étaient vides, les magasins remplis, les policiers polis et personne en état d’ivresse. » Le journal soulignait, cependant, l’introduction d’une nouveauté : les supporteurs violents, étrangers ou non, sont bannis.