« Last Pretender ». / © MIWA YOSHIYUKI et ETÔ SHUNJI

C’est à La Nouvelle-Angoulême, capitale de la dynastie régnante et dirigeante de l’Univers (pourquoi se priver) que se préparent les jeux qui vont permettre de trouver une compagne au jeune prince, Kris, pour ses 16 ans. C’est la plus forte des prétendantes qui raflera la mise et accédera au trône, après une série de combats où tout est permis. Le prince se refuse à ce destin et décide de se cloner lui-même pour créer une femme aussi puissante que lui et qui correspond parfaitement à son désir. Petit problème cependant, cette dernière ne répond pas vraiment à l’idéal souhaité, pense qu’il est un danger pour l’avenir de l’humanité, et se retourne contre lui.

« Last Pretender ». / © MIWA YOSHIYUKI et ETÔ SHUNJI

C’est sur cette trame classique d’un Frankenstein qui se retourne contre son créateur, mais dans un univers galactique, que Miwa Yoshiyuki et Shunji Eto élaborent leur série Last Pretender nouvellement arrivée chez Kana. Ce shonen musclé, dont cinq volumes sont déjà parus au Japon, brasse nombre de thématiques sérieuses, traitées assez rapidement et plutôt légèrement dans le premier volume.

Réflexion sur les causalités et le déterminisme, sur l’acceptation des traditions et des normes sociales, ainsi que les rapports de domination liés au pouvoir, l’univers de Last Pretender dépeint un système de renouvellement des élites, complètement refermé sur lui-même, et parfaitement inégalitaire. D’un côté une aristocratie fondée sur l’héritage génétique, de l’autre une pseudo-ouverture sur la mixité par le biais de combats entre les prétendantes au trône, où la force brute est le seul critère de sélection. Un vrai scénario de jeu vidéo, sans aucune réflexion sur la signification réelle du pouvoir et où le bien commun n’est jamais pris en compte. Transposé dans le monde réel, cet univers serait la pire des dictatures, avec un sexisme prononcé (les femmes se battent, les hommes vont à l’université). Un univers parfaitement inhumain, au trait volontairement appuyé, pour mieux le dénoncer dès le volume II de la série.

« Last Pretender ». / © MIWA YOSHIYUKI et ETÔ SHUNJI

Par nombre d’aspects, les auteurs ont construit avec Last Pretender un monde assez typique des mangas japonais, en développant, par exemple, des typologies de combats – ici le « grim roar » –, un exercice que l’on retrouve dans toutes les séries de ce type (Dragon Ball par exemple et son florilège très sophistiqué en la matière). Last Pretender construit donc lentement un univers doté d’un fort potentiel thématique. Reste à savoir s’il sera développé à l’avenir. La richesse et la noirceur du scénario appelleraient un traitement plus sérieux, comme a pu le faire un Peter Chung avec Aeon Flux, qui a traité exactement des mêmes sujets politiques et génétiques, avec le génie que l’on sait.

Last Pretender, de Miwa Yoshiyuki et Etô Shunji, tome I et II déjà disponibles, tome III le 6 juillet 2018, éditions Kana, 240 pages, 6,85 euros.

« Last Pretender ». / © MIWA YOSHIYUKI et ETÔ SHUNJI