C’est à un grand et généreux violoniste qu’est dédiée l’édition 2018 des Nuits de Fourvière : Didier Lockwood, mort le 18 février à l’âge de 62 ans. Cet homme de jazz – mais pas seulement – avait promené en 2010 son archet dans les gradins du Théâtre antique lors de la création de Django Drom, spectacle de Tony Gatlif créé à l’occasion du centenaire de la naissance du roi de la guitare manouche, dont Lockwood était le directeur musical.

Une « Nuit » sera animée et mise en scène le 22 juin par Gatlif. Y participeront les musiciens que l’on entend dans son film Djam, sorti à l’été 2017, projeté après ce concert de ­rébétiko, genre développé par la diaspora grecque d’Asie mineure. Lockwood ne reviendra plus à Lyon, mais son instrument ne cessera de résonner au long de la programmation, du 1er juin au 28 juillet. Comme en hommage continu à son génie.

On l’entendra dès le spectacle d’ouverture, ­Folia, création signant une nouvelle collaboration entre le chorégraphe Mourad Merzouki et le chef d’orchestre Franck-Emmanuel Comte, directeur artistique de l’ensemble lyonnais Le Concert de l’Hostel Dieu : le violon de Vivaldi, celui des maîtres du baroque quand l’Europe, aux XVIIe et XVIIIe siècles, cédait à la fièvre de la folia, cette danse venue de la péninsule Ibérique qui s’exporta en Amérique latine. Sur des tarentelles et des chaconnes montées en boucle et augmentées de pulsations électroniques, Merzouki a imaginé des chorégraphies répondant au langage du corps qu’il connaît à la perfection, le hip-hop.

Dans ce festival pluridisciplinaire à dominante musicale, le symphonisme sera de mise. On pensait que Jane Birkin, depuis trois décennies, avait chanté Serge Gainsbourg sous toutes les cordes. Curieusement, elle n’avait pas abordé l’amour du compositeur pour la « grande musique » (que trahirent ses « emprunts » à Dvorak, Chopin, Beethoven, Brahms ou Grieg), ce qu’elle fera le 17 juillet avec l’Orchestre national de Lyon, auparavant attendu pour Le Sacre du printemps proposé par les acrobates australiens de Circa.

La tradition est respectée

Les pupitres du conservatoire seront, eux, sollicités par les rappeurs d’IAM, qui fêtent les vingt ans de leur album historique, L’Ecole du micro d’argent, mais aussi par Dick Annegarn pour 12 villes, 12 chansons, son projet conceptuel et citadin, et par un habitué, Benjamin Biolay. Le chanteur, jadis premier prix de trombone dans ce même conservatoire, jouera lui aussi un disque dans son intégralité, le Mobilis in Mobile (1993) de L’Affaire Louis’ Trio, pour un hommage à son ami et mentor gone Hubert Mounier, mort le 2 mai 2016. Quant à l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, il accompagnera le chanteur et guitariste brésilien Seu Jorge dans son tribute à David Bowie.

De quoi promettre de belles soirées encordées, auxquelles s’ajoutent les traditionnelles Nuits du festival, qui mettront cette année le cap sur la Corne de l’Afrique, avec la célébration des vingt ans d’Ethiopiques, le label de Francis Falceto, qui a fait connaître au monde le groove d’Addis-Abeba, sur les Caraïbes, le Moyen-Orient et, pour finir, le Québec. Sonneront alors les violons de Vishtèn et du supergroupe Solo. De la folia à la gigue, comme une invitation à la danse.