Arkady Babchenko lors d’une interview, après sa « résurrection médiatique » le 31 mai. / Valentyn Ogirenko / AP

La mise en scène très critiquée du faux assassinat du journaliste russe Arkadi Babtchenko aura permis de découvrir les cibles d’assassinats potentiels. Dans un message sur Facebook, le procureur général Iouri Loutsenko a assuré vendredi 1er juin que l’opération – montée de toutes pièces par les services ukrainiens – avait permis aux services de sécurité de mettre la main sur une liste de quarante-sept noms, principalement constituée de noms de journalistes ukrainiens et russes, qui « pourraient être les prochaines victimes des terroristes ».

Le magistrat a précisé que les personnes concernées avaient été prévenues et que des dispositions avaient été prises pour assurer leur sécurité.

Le journaliste russe Matveï Ganapolski, qui vit à Kiev depuis 2015 et a aussi obtenu la citoyenneté ukrainienne, a déclaré sur la radio russe Echo de Moscou, son employeur, qu’il avait été convoqué par les services de sécurité ukrainiens et mis en garde contre les risques qui pesaient sur sa vie. Il a précisé avoir eu connaissance de nouvelles informations sur les menaces contre Arkadi Babtchenko qui montraient selon lui que « l’affaire est très grave, une attaque était planifiée et ils se préparaient à le tuer ».

Les autorités ukrainiennes avaient auparavant indiqué que les services secrets russes, qu’elles accusent d’avoir voulu tuer Arkadi Babtchenko, envisageaient d’assassiner une trentaine d’autres personnes.

Une opération pour « recueillir des preuves »

Vendredi après-midi, une dizaine de diplomates en poste à Kiev des pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon), s’étaient rendus au parquet général d’Ukraine pour une rencontre à huis clos, qui a duré presque deux heures, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Cette réunion avait été annoncée la veille par le procureur général, qui avait dit à la télévision vouloir « expliquer tout ce qu’on peut expliquer dans le respect du secret de l’enquête ».

A cette occasion, « il a été souligné à l’attention de la communauté internationale que seule la stratégie choisie permettait non seulement d’éviter la mort du journaliste, d’empêcher un crime, de documenter les actions de l’organisateur et de recueillir des preuves (...) mais aussi de recevoir des informations concernant de possibles victimes contre lesquelles se préparaient probablement des actes terroristes et des meurtres », a plaidé le parquet dans un communiqué.

Vassyl Grytsak, le chef des services de sécurité ukrainiens (SBU) qui ont organisé cette « opération spéciale », était présent.

La crédibilité de Kiev remise en cause

Donné pour mort mardi soir, abattu de trois balles dans le dos, le journaliste Babtchenko, virulent critique du Kremlin qui s’est exilé en Ukraine, est réapparu vivant au cours d’une conférence de presse au siège du SBU le jour suivant.

Le SBU et le parquet général ont alors révélé que l’annonce de sa mort, confirmée par les plus hautes autorités ukrainiennes, et qui avait suscité une vive émotion au-delà de l’Ukraine et la Russie, était une mise en scène. Le procédé a été présenté comme nécessaire pour déjouer une tentative d’assassinat bien réelle organisée, selon Kiev, par les services secrets russes, visant M. Babtchenko mais aussi d’autres personnes, en remontant de l’exécutant aux commanditaires.

Cette affaire a déclenché beaucoup de critiques, notamment de la part des organisations de journalistes qui se sont interrogées sur la nécessité d’un stratagème aussi extrême et sur les accusations de Kiev mettant en cause la Russie avant la révélation de la supercherie.

Cette affaire « a définitivement rompu la confiance envers les sources d’informations ukrainiennes, y compris officielles », a dénoncé vendredi un porte-parole de la diplomatie russe Artiom Kojine, au cours d’une conférence de presse. « Après ces événements, il devient clair, et pas seulement pour nous, qu’il faut vérifier plusieurs fois toute information venant de Kiev, car il peut s’agir d’un banal fake