C’est la chanson de Roland, le refrain qu’on entonne début juin, quand la première semaine du tournoi arrive à sa fin. « Il n’y a plus de Français à Roland-Garros. » Il n’y a plus de représentants de la gent masculine, s’entend. C’est même la première fois depuis 2007 qu’aucun ne figure en deuxième semaine. Côté femmes, gloire à Caroline Garcia, qualifiée pour les huitièmes de finale après sa victoire en trombe contre la Roumaine Irina Begu. C’est sur ses solides épaules que reposent désormais les espoirs de toute une nation.

  • Gasquet, la diagonale du vide

Pour la 16e fois, Richard Gasquet n’est pas parvenu à remporter son match contre Nadal. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

On crut d’abord que Rafael Nadal allait renvoyer Richard Gasquet au vestiaire en moins de temps qu’il faudrait à la tribune présidentielle pour se remplir, après la pause-déjeuner. Mené 5-0 après un quart d’heure, le Français décida d’en mettre un peu plus dans la raquette au moment où Nadal redevint un brin humain, subitement balbutiant au service. L’image en était presque cruelle : le premier point marqué par Gasquet fut récompensé par une ovation d’un Philippe-Chatrier qui aurait été à peine plus sonore s’il était venu à s’imposer. Il refit un break de retard, mais pas deux.

Le cauchemar du Biterrois s’aggrava dans les deux sets suivants. Son revers à une main, qui prend de vitesse normalement l’adversaire, ne fait pas mal à Nadal. Le coup droit lifté du gaucher, dont la balle gicle à l’impact, met en revanche Gasquet au supplice. « La terre va trembler », titrait sans grande clairvoyance Le Quotidien du tournoi le matin même du derby Manacor-Béziers. Au lieu de quoi Gasquet fut enterré une seizième fois par l’Espagnol en autant de matchs sur le grand circuit (6-3, 6-1, 6-2).

« L’intensité est monstrueuse, tu le sais, mais il faut réussir à tenir toutes les balles et tous les coups. J’ai du mal contre ce coup droit qui m’arrive à hauteur d’épaules à chaque fois. Ce n’est pas évident pour mon jeu. C’est ça qui me fait mal contre lui. Sur 90 % des joueurs j’arrive à maîtriser ces diagonales, contre lui, c’est compliqué. »
  • Pouille, « la pression », toujours la pression

Comme l’an passé, Lucas Pouille n’est toujours pas parvenu à dépasser le 3e tour à Roland-Garros. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Comme l’an passé, trois petits tours et puis s’en vont pour Lucas Pouille, dont le match avait été interrompu vendredi par la pluie alors que Karen Khachanov menait 6-3, 7-5, 1-1. Certes, le jeune Russe de 22 ans (38e) est loin d’être pachydermique sur terre mais pour dire les choses succinctement, le numéro un français n’a pas su tenir son rang (16e). Il a mené 5-3 dans le deuxième set pour égaliser à une manche partout, et puis les jambes se sont mises à flageoler.

De retour sur le court Philippe-Chatrier ce samedi, Pouille a perdu son service au bout de quelques minutes. Une demi-heure plus tard, l’affaire était pliée. Lui qui préfère dicter le jeu, quitte à laisser du déchet, n’a rien proposé ni osé. Zéro prise de risques, en termes de stratégie, ça frise aussi le zéro.

Il a peut-être perdu son tennis, mais il a retrouvé ses bonnes manières. Devant les journalistes, qu’il avait pris l’habitude de défier ces derniers temps, encore plus après une défaite, il est redevenu le joueur affable et posé.

« Il est très agressif et m’a empêché de mettre mon jeu en place, mais je n’ai pas eu de problèmes physiques. Il y a eu des moments cette saison où je n’ai pas eu forcément l’attitude que j’avais l’habitude d’avoir, où j’étais un peu plus agacé. Je faisais les mauvais choix, et je jouais un peu à l’inverse de ce que je fais d’habitude. Après, la raison exacte, je ne la connais pas. C’est probablement le fait que je me mets beaucoup de pression, j’attends beaucoup de ces tournois. Je n’ai pas forcément d’explication rationnelle à cela. »
  • Monfils, l’histoire de sa vie

Gael Monfils a failli battre David Goffin, mais il a cédé à la fin face à la cadence du « géomètre ». / Christophe Ena / AP

« Le plus grand gâchis des quatre nouveau mousquetaires », s’accordent à dire les observateurs du circuit quand ils évoquent le Parisien. Son match contre David Goffin est à l’image de sa carrière : comme souvent, il a frôlé l’exploit sans le concrétiser. Oui, il a « failli créer la sensation ». Oui, le Français « peut nourrir des regrets ». Oui, « il y a cru ». Mais au bout du compte : non, il ne s’est pas qualifié.

Vendredi soir, quand le match a été interrompu par la pluie, Monfils était chancelant, pris de nausées. Samedi, il est rentré sur le court ragaillardi, rattrapant d’entrée son retard sur le Belge, puis réussissant un break blanc pour mener deux sets à un. Plus appliqué et bien plus en jambes que la veille, il a souvent sollicité le public au court du quatrième set. Un samedi soir sur la terre du Lenglen baigné de lumière : une atmosphère somme toute très « gaélienne » tant ses plus beaux combats à Roland, Monfils les a livrés dans ce décor-là.

Il s’offrit même quatre balles de match. Mais Goffin serra le jeu, les sauva et à partir de ce moment-là, on ne revit plus jamais Monfils (6-7, 6-3, 4-6, 7-5, 6-3).

«  Aujourd’hui, j’ai réussi à bien imposer mon jeu et ma tactique. Derrière, David a très bien joué, a su bien me contrer aux moments décisifs. Il été fort mentalement. Chapeau à lui, c’est la marque d’un champion. C’est fini, c’est la fin. Je passe à autre chose. Vraiment, j’essaie de me poser le moins de questions possibles. »
  • Herbert renversé par le géant

Pierre-Hugues Herbert n’a pas démérité face aux « aces » de Isner. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

« Le tennis maintenant, c’est boum, boum, boum. Quelle stratégie tu veux élaborer contre un gros serveur comme John Isner ? », disait récemment Toni Nadal. Réponse de Pierre-Hugues Herbert, samedi soir : aucune. Avec une seule balle de break procurée (et perdue) en plus de deux heures de jeu, le Français a été spectateur de son propre match, victime de la machine à aces du géant américain (7-6, 6-4, 7-6).

Il n’y a plus de Français à Roland-Garros. « C’est le sport, dit Rafael Nadal, interrogé sur la question. La France est probablement le pays qui a le plus de joueurs dans le Top 100, la méthode fonctionne. » « Vous savez, c’est très difficile de fabriquer de grands champions, parce qu’il faut disons être né avec cet état d’esprit, ajouta l’Espagnol, résumant tout le mal franco-français. Mais j’ai vu que Caroline Garcia gagnait, elle joue bien alors regardons plutôt ce qui se passe du côté des femmes, non ? » Le tennis français aujourd’hui s’en remet à elle. Et à entendre l’intéressée, « cela ne [lui] met pas plus de pression que ça ».