Michel Hidalgo. / CANAL+

Selon Emmanuel Macron, interrogé sur BFM-TV, le 25 mai, il y aurait deux postes dans lesquels les Français se jugeraient plus aptes à réussir que leur titulaire : ­président de la République et ­sélection­neur de l’équipe de France de football.

A quelques jours de l’ouverture du Mondial 2018, Renaud Saint-Cricq propose, en compagnie de ceux qui ont sélectionné les Bleus ces quarante dernières années, de percer les enjeux d’une fonction aussi ingrate qu’exaltante. Tenus pour responsables, parfois avec une violence inouïe, des échecs de l’équipe nationale, ces ­hommes sont rarement crédités de leurs succès tant qu’ils n’offrent pas un sacre international.

Raymond Domenech. / CANAL+

De Michel Hidalgo (1976-1984) à Raymond Domenech (2004-2010), la plupart des prédécesseurs de Didier Deschamps, en poste depuis juillet 2012, ont ­répondu présent. Ne manquent que Roger Lemerre (1998-2002), Jacques Santini (2002-2004), ­Laurent Blanc (2010-2012) et ­surtout Aimé Jacquet (1993-1998). Sans doute parce que celui qui a rapporté la seule étoile mondiale à la France n’entend plus revenir sur l’épisode, devenu mythique, de juillet 1998.

Doute et solitude

Comme tout repose sur les ­souvenirs et les confidences des sélectionneurs, rien n’est dit sur leur profil avant leur nomination. Certains doivent la fonction à leur prestige personnel. Michel Platini (1988-1992) ­raconte avec une franchise désarmante la façon dont tout se joue en cinq minutes quand il s’agit de remplacer Henri Michel, destitué au lendemain d’un match calamiteux face à Chypre, qui compromettait la qualification des Bleus pour le Mondial 1990. Raymond Domenech (2004-2010) est, lui, chargé de la sélection des espoirs depuis plus de dix ans quand on lui propose le poste national.

Michel Platini. / CANAL+

Découpé en chapitres inégaux, le documentaire joue beaucoup sur l’émotion. Il évoque, certes, le rôle capital et souvent éprouvant de la communication, mais il fait surtout la part belle à l’intime : la méthode de chacun qui, comme la causerie d’avant-match, échap­pe à tout modèle ; l’entière responsabilité du choix solitaire de la liste des sélectionnés ; la ­dramaturgie suffocante des traumatismes collectifs de la défaite, plus profonde que les transports d’allégresse des victoires. Entre épisodes fantastiques et cauchemardesques, le magistère du ­sélectionneur est une épreuve mais aussi, à écouter le récit de ceux qui y ont mesuré la violence du doute et de la solitude, un moment de vérité sans égal.

Introspection sensible qui ne cède pas plus à l’autocritique ­masochiste qu’au ressentiment aigre, cette enquête vaut par la justesse presque apaisée des confidences de ces faiseurs d’idoles, qui ne se leurrent pas sur la mémoire médiatique qu’ils laisseront. Gérard Houllier (1988-1992 puis 1992-1993) se sait ­condamné à être à vie le responsable des deux défaites à domicile qui, à l’automne 1993 (Israël et Bulgarie), ont privé la France du Mondial 1994. Et les hommages rendus à Henri Michel, mort le 24 avril – le documentaire lui est dédié – lui donnent raison, tant la défaite face à Chypre, qui lui coûta son poste, occulta l’or olympique remporté à Los Angeles, en 1984, et le podium au Mondial mexicain de 1986, qui rééditait l’aventure de 1958 en Suède.

Henri Michel. / CANAL+

Malgré les cicatrices parfois ­encore sensibles, tous rappellent la force de la passion et la jubilation du jeu. Comme si, célébrés ou non, ils ne pouvaient se défendre d’avoir connu là une aventure unique.

Sélectionneurs, de Renaud Saint-Cricq et Renaud Dely (Fr., 2018, 85 min).