Avions d’Air France-KLM, à  l’aéroport Roissy-Charles-de Gaulle, le 9 mai. / Christian Hartmann / REUTERS

C’est un vieux serpent de mer qui vient de ressurgir opportunément ! L’Etat pourrait céder sa participation dans le capital d’Air France-KLM. AccorHotels, numéro un en Europe de l’hôtellerie, a confirmé dimanche 3 juin son intérêt à racheter les 14,3 % détenus par l’Etat dans le capital de la compagnie aérienne franco-néerlandaise. Le groupe dirigé par Sébastien Bazin a indiqué dans un communiqué qu’il mène des « réflexions » avec comme finalité « l’éventualité d’une prise de participation minoritaire au capital d’Air France-KLM ». Toutefois, selon Accor, les discussions avec l’Etat ne seraient pour l’heure qu’à un « stade préliminaire ». Sollicité de son côté, le ministère des finances s’est refusé à tout commentaire sur cette opération.

En pratique, la démarche d’AccorHotels n’est pas nouvelle. Depuis 1999 et l’entrée en Bourse d’Air France, puis en 2004 avec le rachat de KLM, l’hypothèse d’un désengagement de l’Etat est régulièrement évoquée. Pour Accor, le rachat de tout ou partie de la participation de l’Etat fait sens. Le groupe hôtelier aurait en tête un « véritable projet industriel », dont les origines remonteraient à près de vingt ans. Depuis 1999 en effet, le groupe a discuté régulièrement avec Air France d’abord, puis avec Air France-KLM, pour « développer notamment des projets digitaux communs et une plate-forme commune de fidélisation et de services qui permettraient aux clients des deux groupes, leaders mondiaux du voyage, de bénéficier d’une offre enrichie de services autour de la mobilité à travers le monde », précise un communiqué du groupe hôtelier.

L’objectif du groupe de Sébastien Bazin est de faire « travailler ensemble ces deux acteurs européens du voyage » que sont Air France-KLM et Accor. Une fois associés, les deux partenaires pourraient offrir « une offre complète, vol plus hôtel » à leurs clients, à la manière des tour-opérateurs. A cette occasion, Air France-KLM et Accor pourraient même rapprocher leurs programmes de fidélité. Ces fichiers gigantesques de clients sont aujourd’hui le nerf de la course à la taille qui redessine les contours du secteur mondial de l’hôtellerie.

La proposition de rachat tombe à pic pour l’Etat

En outre, le rapprochement d’AccorHotels avec la compagnie franco-néerlandaise ne coûterait pas très cher. Les 14,3 % contrôlés par l’Etat dans Air France-KLM sont estimés à 450 millions d’euros. Enfin, l’entrée d’Accor au capital d’Air France permettrait, dit-on, au groupe de Sébastien Bazin de refréner les ardeurs de certains de ses actionnaires, notamment chinois, auxquels la rumeur prête des velléités d’OPA sur le groupe hôtelier.

La proposition de rachat tombe à pic pour l’Etat. Après trois mois de conflit qui lui ont coûté près de 300 millions d’euros, la compagnie aérienne est désormais un canard sans tête. Son PDG, Jean-Marc Janaillac, a dû démissionner après avoir perdu la consultation qu’il avait lui-même lancée pour légitimer son projet d’augmentations des salaires. A plus de 55 %, les salariés d’Air France ont rejeté sa proposition, redonnant par la même occasion une très forte légitimité aux revendications portées par l’intersyndicale. Un score que la direction de la compagnie comme ses actionnaires ne peuvent désormais ignorer. En se retirant du capital, l’Etat pourrait vouloir en finir avec le rôle de recours. Depuis des mois, l’intersyndicale d’Air France lui demande d’alléger les charges qui pèsent sur Air France et l’empêche de jouer à armes égales avec ses concurrentes.

En interne, cette proposition fait sourire. « C’est grotesque », s’exclame Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Selon lui, elle s’apparente « à une manœuvre dilatoire. Nous ne sommes pas dupes ». Surtout, insiste le patron du syndicat des pilotes, la vente de la part de l’Etat « ne règle strictement rien » aux problèmes de la compagnie. De fait, Anne-Marie Couderc, présidente par intérim, n’a toujours pas trouvé un successeur à M. Janaillac. Un second cabinet de chasseurs de têtes vient d’être désigné pour trouver l’oiseau rare. Après Egon Zehnder, le conseil d’administration d’Air France-KLM a fait appel aux services à Heidrick & Struggles.

Le nouveau PDG devrait être nommé en septembre. Comme M. Janaillac, il y a deux ans, il pourrait demander un délai de quelques mois aux syndicats. Le temps de se familiariser avec la compagnie. Un calendrier que le SNPL refuse par avance. « Cela ne va pas se passer comme ça », prévient M. Evain. Après avoir rencontré Mme Couderc, le SNPL attend « qu’elle prenne une décision ces jours-ci » concernant les revendications salariales portées par l’intersyndicale. Faute d’obtenir satisfaction et forts des plus de 55 % obtenus à l’issue de la consultation auprès des salariés, les syndicats pourraient relancer un conflit aujourd’hui seulement suspendu.