Documents d’obtention de la nationalité française par naturalisation. / ALAIN JOCARD / AFP

Alors que la machine médiatique s’emballait à l’idée d’avoir trouvé un héros, il a dit « moi aussi ». Comme Mamoudou Gassama, sans-papiers Malien de 22 ans, qui a sauvé spectaculairement un enfant de 4 ans suspendu dans le vide, Mohamed Aymen Latrous a sauvé deux enfants des flammes en 2015 dans le Val-d’Oise.

L’exploit du premier, filmé et vu des millions de fois sur les réseaux sociaux, lui a permis d’être rapidement régularisé après avoir été reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron. L’acte de bravoure du second n’a pas été enregistré. Depuis janvier, ce Tunisien de 25 ans à qui la préfecture du Val-d’Oise avait refusé un titre de séjour, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Les autorités ont finalement mis fin au cynisme en annonçant, lundi 4 juin, que Mohamed Ayman Latrous n’était plus sous la menace d’une expulsion. Devant la médiatisation de son cas initiée dimanche par Le Parisien, le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, a dit, lundi, qu’il souhaitait qu’il ne soit pas expulsé.

Promesse de CDI

Dans un communiqué lundi soir, le préfet du Val-d’Oise a annoncé avoir « décidé de procéder à un réexamen de la situation de l’intéressé », le jeune homme s’étant vu promettre récemment une embauche « en CDI à temps plein dans une société du Val-d’Oise ». « En conséquence, une abrogation de l’OQTF va être notifiée à M. Latrous », est-il ajouté.

Le préfet précise que « la nouvelle instruction de la demande de titre de séjour qui suivra aussitôt tiendra nécessairement compte de l’acte positif et altruiste par lequel M. Latrous s’est distingué en 2015 ».

Dans la soirée du 10 avril 2015, alors qu’il se promène avec deux amis, le jeune homme entend une mère de famille appeler au secours. Des flammes s’échappent de la cuisine de l’appartement. Les trois amis se précipitent à l’étage. Le Tunisien s’empare du bébé de dix-neuf mois, qu’il protège de son mieux des fumées toxiques, tandis que ses compagnons s’occupent de mettre à l’abri son grand frère et d’éteindre le feu.

Les trois hommes s’étaient éclipsés aussitôt après, si bien que la mère avait dû lancer un appel dans le journal pour retrouver la trace des sauveteurs de ses enfants.

Le jeune sans-papiers tunisien avait, finalement, été distingué par le maire communiste de Fosses (10 000 habitants), qui lui avait remis la médaille de la ville quelques semaines plus tard. Puis, en 2017, l’édile avait écrit à la sous-préfecture de Sarcelles pour appuyer sa demande d’un titre de séjour. Sans effet.

Médiatisation

L’avocate du jeune sans-papiers Philippine Parastatis avait formé un recours devant le tribunal administratif devant le refus de titre de séjour et l’OQTF de janvier 2018. Avant le communiqué de la préfecture, Me Parastatis avait regretté qu’« il faille que ce soit médiatisé pour qu’il y ait une solution ».

Elle rejoignait ainsi la critique que des associations d’aide aux migrants avaient adressée à l’exécutif après la régularisation de Mamoudou Gassama. Un geste régalien qui, selon elles, permettait de faire oublier le tour de vis de l’exécutif sur l’immigration.

Mohamed Aymen Latrous avoir décidé de contacter Le Parisien quand il a appris ce qui était arrivé au jeune Malien. Pour autant, dit-il, « je n’ai pas fait ça pour avoir des papiers. J’ai juste sauvé des gamins, sans réfléchir. »

Arrivé en France fin 2013, au terme d’un périple de deux mois à travers les Balkans, il a expliqué espérer obtenir maintenant une carte de séjour. Autant pour pouvoir « aider » ses parents, son frère et ses petites sœurs restées en Tunisie que pour, enfin, « construire [sa] vie ».

Mamoudou Gassama, un héros malien pour combien de sans-papiers ?
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