C’est le premier point de passage vers la France. A Menton (Alpes-Maritimes), commune frontalière avec l’Italie, le sort que réservent les autorités aux personnes migrantes se joue au quotidien. C’est pour cette raison qu’à l’automne 2017, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a réalisé une visite inopinée d’une semaine au sein des locaux de la police aux frontières (PAF).

L’autorité indépendante dresse à l’issue un constat particulièrement sévère. Dans un rapport qui doit être rendu public mardi 5 juin, le CGLPL estime que « la prise en charge quotidienne des personnes étrangères s’effectue dans des conditions indignes et irrespectueuses de leurs droits ».

Depuis le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, en novembre 2015, un nombre considérable de personnes s’est vu refuser l’entrée en France dans ce secteur, essentiellement des hommes seuls et des mineurs non accompagnés. Soit autour de 40 000 personnes en 2016. En 2017, le nombre de personnes interpellées était encore de plus d’une centaine par jour en moyenne. Cela représente peu ou prou près de la moitié des non-admissions sur le territoire.

Missions accomplies « à la chaîne »

« Les fonctionnaires de police accomplissent leurs missions à la chaîne », constate Adeline Hazan, la contrôleuse générale. Elle dénonce une « pression politique » : « L’objectif de réacheminement des migrants interpellés à la frontière franco-italienne par la police aux frontières s’apparente à une obligation de résultat : garantir l’étanchéité de la frontière dans le déni des règles de droit », écrit-elle.

Concrètement, les personnes sont le plus souvent contrôlées à bord des trains qui relient l’Italie à la France. Lorsqu’elles sont en situation irrégulière, elles sont conduites au poste de la PAF de Menton où, pour la plupart, elles font l’objet d’une procédure de non-admission sur le territoire français pour être renvoyées vers l’Italie dans la foulée. Le CGLPL a constaté au cours de cette procédure, qui dure à peine quelques minutes, que les policiers ne lisent ni n’expliquent aux personnes les décisions les concernant, l’échange se limitant à la prise d’informations relatives à leur âge, leur identité et leur nationalité.

« Il n’est jamais recouru à un interprétariat professionnel », observe le CGLPL. Les fichiers de non-admission sont parfois en partie préremplis, et le droit à faire avertir un proche, un consulat ou un avocat n’est pas notifié. A l’issue de ces démarches « lacunaires », les personnes sont « invitées à rejoindre l’Italie à pied, munies de leur décision de refus d’entrée », dit le CGLPL. Bien que vulnérables, les mineurs isolés ne bénéficient pas de « précautions particulières », si ce n’est qu’ils repartent plus souvent en train qu’à pied.

Locaux jonchés de détritus, sans matelas ni repas

Lors de sa mission, le CGLPL a en outre été alerté sur des situations totalement irrégulières comme lorsque des migrants sont littéralement refoulés, « invités à reprendre le train en sens inverse sans qu’aucune procédure ne soit mise en œuvre ».

Enfin, lorsque les personnes ne sont pas renvoyées aussitôt en Italie, en particulier la nuit, leurs conditions d’accueil dans les locaux de la PAF sont qualifiées d’« indignes ». Elles peuvent ainsi passer des heures dans des locaux sales, jonchés de détritus, sans matelas, couverture, ni repas. Les sanitaires sont dans un état « immonde » et aucun matériel d’hygiène ne leur est fourni.

Si Adeline Hazan s’inquiète du sort réservé aux personnes migrantes, elle déplore également les risques qui pèsent sur les policiers placés dans une situation de « tension psychologique ». Symptomatique à son sens de cette situation, le CGLPL a signalé un acte de violence pendant sa mission. Tandis que des CRS avaient interpellé trois jeunes Algériens et plaisantaient sur la prétendue minorité de l’un d’eux, le CGLPL rapporte que « le chef de poste s’est alors tourné vers le jeune en l’interpellant : tu es mineur, toi ? et l’a aussitôt giflé ».