Le gouvernement souffle le chaud et le froid en matière de politique pour les handicapés. Alors que sa réforme du secteur du logement risque de nuire à ces publics en matière d’accessibilité des habitations, des mesures en faveur de leur insertion professionnelle ont été dévoilées, mardi 5 juin, par la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud.

Plusieurs de ces dispositions renforcent les devoirs des employeurs et les droits des personnes concernées. Elles doivent être traduites dans des amendements au projet de loi « avenir professionnel », qui sera examiné en séance à l’Assemblée nationale, à partir du 11 juin. En 2015, près de 2,7 millions de personnes (de 15 à 64 ans) indiquaient être reconnues par l’administration comme étant atteintes d’un handicap, selon une étude des services du ministère du travail. Le taux de chômage, au sein de cette population, s’élevait à 19 %, soit presque deux fois plus que la moyenne nationale.

Meilleure performance dans le public

Pour améliorer le sort de ces publics, plusieurs lois ont été votées – l’une des plus importantes remontant à 1987 : elle impose aux « établissements » d’au moins 20 salariés d’embaucher des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leurs effectifs. Pour remplir tout ou partie de cette obligation, les patrons disposent de plusieurs options : employer directement des individus répondant à ces caractéristiques, recourir à la sous-traitance avec « le secteur protégé et adapté » (établissements et services d’aides par le travail…), qui permet à des handicapés d’exercer une activité, etc. Si le taux de 6 % n’est pas atteint, les employeurs versent des contributions à des fonds chargés de promouvoir l’intégration des handicapés dans le monde du travail.

Beaucoup reste à faire, en particulier dans le secteur marchand où le taux d’emploi direct est de 3,4 % – la fonction publique affichant une meilleure performance (5,2 %). D’où les arbitrages rendus mardi.

L’un d’eux consiste à modifier les modalités de calcul de l’obligation d’emploi (en raisonnant non plus à l’échelon de l’établissement, mais de l’entreprise tout entière). En changeant ainsi de périmètre, le nombre de handicapés susceptibles d’être recrutés devrait s’accroître d’environ 100 000, indique-t-on dans l’entourage de la ministre du travail. En outre, les dirigeants de sociétés seront tenus de déclarer leur « effort en faveur de l’emploi » de cette catégorie de personnes, à partir du 1er janvier 2020, afin que celui-ci devienne plus visible. Dans la fonction publique, des engagements sont pris de manière à favoriser l’embauche directe de handicapés – avec, par exemple, la fin progressive de l’exonération dont bénéficiait jusqu’à présent le ministère de l’éducation nationale.

Garanties nouvelles

Des garanties nouvelles seront par ailleurs octroyées aux handicapés afin qu’ils élèvent leur niveau de qualification. Dans cette optique, tous les centres de formation d’apprentis (CFA) auront, à terme, « un référent handicap » qui servira d’interlocuteur privilégié pour les personnes visées. Ces établissements recevront, de surcroît, une aide supplémentaire « pour chaque apprenti en situation de handicap » et ils seront conduits à adapter les postes de travail – tout en aménageant les enseignements.

Enfin, l’exécutif dit vouloir accorder une attention particulière aux handicapés par le biais du plan d’investissement dans les compétences (PIC) – un programme étalé sur cinq ans pour former un million de « décrocheurs » scolaires et un million de chômeurs de longue durée. Des formations spécifiques leur sont proposées, par le biais d’expérimentations.

Secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), Arnaud de Broca salue certaines des annonces de Mme Cluzel et de Mme Pénicaud, « par exemple celle sur la fin de l’exonération du ministère de l’éducation nationale de sa contribution à l’obligation d’emploi ». « Mais il reste encore un certain nombre d’inconnues sur les modalités concrètes de calcul de la contribution aux fonds », ajoute-t-il. Véronique Bustreel, de l’association APF France Handicap, estime, de son côté, qu’il s’agit de mesures « en demi-teinte », avec des « zones de flou importantes », en particulier sur le « barème de l’obligation ».

Les décisions prises mardi sont issues d’un premier cycle de concertation avec les partenaires sociaux et le monde associatif. Une deuxième série d’échanges va s’ouvrir prochainement, notamment sur les actions d’accompagnement.